Pourquoi éviter de trop cuire les aliments
Cinq fruits et légumes par jour, c’est bien, encore faut-il savoir les cuire. La chaleur, en effet, produit une réaction chimique, connue depuis plus de cent ans sous le nom de « réaction de Maillard », dont les conséquences sur la santé, via l’alimentation, sont aujourd’hui connues et scientifiquement démontrées. En effet, notre organisme réagit aux sucres que l’on fait chauffer pour brunir les aliments et leur conférer leur odeur et leur saveur. Cette « glycation » est un facteur déterminant du vieillissement de nos cellules. On la mesure chez les diabétiques à travers l’hémoglobine « glyquée », mais ce processus chimique silencieux, très lent, est plus généralement un marqueur de notre hygiène, voire de notre espérance de vie, car il atteint toutes les protéines de notre organisme au cours de la vie ; surtout, il est irréversible. C’est pourquoi il faut savoir s’en prémunir.
Un peu de technique pour comprendre
Il faudrait tenir compte dans tout régime alimentaire équilibré non seulement de la teneur en lipides, en glucides et en protides, mais aussi en produits de Maillard, couramment appelés AGE (Advanced Glycation End-product). On en trouve essentiellement dans les aliments riches en amidon, comme les pommes de terre, cuits à haute température, grillés, rôtis, frits ou au four. Il se forme alors un composé chimique, l’acrylamide, retrouvé dans des produits comme les chips, les frites, le pain, les biscuits ou le café, mais aussi dans toutes les boissons « brunes », bière, sodas ou whisky, par exemple. Toutefois, pas question de se priver définitivement de grillades ou encore moins de sucre, dont notre organisme, notre cerveau en particulier, ne peut se passer.
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Mieux cuire permet-il de mieux vieillir ?
Tout d’abord, rappelons que la cuisson comporte de nombreux avantages. En plus d’augmenter la saveur et le goût, elle réduit également le risque d’intoxication alimentaire et permet de libérer d’autres nutriments essentiels à notre organisme. Mais la température et la durée d’exposition à la chaleur peuvent présenter des risques pour la santé. En effet, même s’ils ne disposent actuellement que de données issues de l’expérimentation animale, les chercheurs ont de bonnes raisons de penser qu’une alimentation trop riche en AGE favorise l’augmentation de facteurs de risque du diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires et de certains cancers, le colorectal en particulier. Enfin, les travaux les plus récents ont identifié une relation entre les AGE et un vieillissement vasculaire accéléré caractérisé par une inflammation des vaisseaux et de la rigidité artérielle, qui pourrait conduire à l’hypertension et à ses conséquences sur les organes cibles : infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, insuffisance rénale et démence sénile.
Autant s’y prendre tôt, déjà chez le nourrisson !
Comment faire en pratique ?
Pas d’affolement : depuis la nuit des temps, depuis que l’homme a commencé à cuire sa viande, il consomme de l’acrylamide et, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), les niveaux d’exposition de la population française sont 100 à 700 fois inférieurs aux doses toxiques obtenues chez l’animal… Ce qu’il faut éviter, c’est l’abus d’aliments ayant un index glycémique élevé, surtout s’ils sont frits ou cuits au four à haute température, comme les gâteaux, le pain et les frites. Il suffit donc de remplacer les aliments à base de farine blanche, qui augmentent rapidement et fortement le taux de sucre sanguin, par des aliments à base de farine complète. De même, les fruits et les légumes figurent toujours en tête du hit-parade des aliments les plus recommandés pour la santé. Et on peut ne pas renoncer à son toast du matin en évitant simplement de le griller trop, à une bonne grillade sur barbecue à condition d’enlever tous les restes brûlés après chaque utilisation, et aux frites et pommes noisettes en les faisant juste dorer, sachant qu’une cuisson à 175° permet de réduire de 15 % leur teneur finale en acrylamide.
Et les autres modes de cuisson ?
Il est aussi conseillé de respecter les instructions qui figurent sur les conditionnements des denrées alimentaires et de disposer d’un bon équipement de cuisson. Pourquoi, enfin, ne pas envisager plus souvent de faire bouillir ou de cuire à la vapeur les aliments ? D’ailleurs, les produits qui contiennent beaucoup d’acrylamide sont également très énergétiques, autant les consommer avec modération…
Certains pays mettent déjà en garde contre la présence de cette substance dans les aliments : ainsi, aux États-Unis, une chaîne de fast-food prévient les consommateurs des risques courus dès l’entrée du restaurant. De même, en Grande-Bretagne, une étiquette est apposée sur les appareils de cuisson pour alerter sur le danger des trop hautes températures.
En Belgique, on peut choisir ses frites selon leur couleur et donc leur degré de cuisson, et les pommes de terre sont classées en fonction de leur qualité et de leur mode de production par rapport à leur risque de glycation, plus important, par exemple, si elles sont conservées au réfrigérateur…
En France, en revanche, le consommateur n’a pour le moment aucun moyen de s’informer car il n’existe pas d’étiquetage spécifique sur les emballages des aliments. Toutefois, sur l’injonction des autorités sanitaires internationales, les fabricants de produits alimentaires ont déjà pris des mesures pour réduire la formation d’acrylamide dans les aliments comme les pains croustillants, les biscuits et produits cuits au four, ainsi que les chips, en resserrant les contrôles de qualité et en modifiant les recettes et processus de cuisson.
Par ailleurs, les chercheurs étudient actuellement la possibilité de réduire la présence d’acrylamide dans les denrées alimentaires en bloquant la réaction pendant la cuisson, et les techniques agricoles pourraient être modifiées : on pourrait augmenter, par exemple, le taux de sulfure dans le sol et diminuer le taux d’azote afin de réduire la teneur de certaines céréales en acrylamide.
Donc prévenir, c’est possible ? Même chez l’enfant?
Prévenir en particulier le diabète, ça se commence tôt.
L’accumulation des AGE est certes irréversible, mais peut-être plus inéluctable. De nombreuses pistes sont actuellement à l’étude à la fois pour diminuer autant que possible l’apport ou la formation d’AGE et pour limiter son action dans l’organisme, à partir d’un récepteur aux produits de glycation avancés (RAGE) découvert dans différents tissus.
Intérêt du thé, des fruits, des légumes
En expérimentation in vivo chez des rats ou des lapins, on s’est ainsi aperçu que, alors que l’administration d’AGE induit des modifications vasculaires comparables à celles observées dans le diabète, le développement des lésions artérielles est au contraire prévenu par l’injection de molécules qui captent les AGE, en ne modifiant ni la concentration des graisses, ni celle du glucose dans le sang (1).
Mais, en l’absence actuelle d’études chez l’homme, la prévention de la formation des AGE passe d’abord par la limitation de leur consommation parallèlement à l’augmentation d’aliments et de boissons qui fournissent a contrario des molécules inhibitrices de la formation d’AGE, comme les fruits et les légumes, mais aussi le thé – vert ou noir – dont l’activité antioxydante permet de neutraliser les intermédiaires de la glycation. Enfin, il sera bientôt possible, par une simple analyse de sang ou d’urine, de connaître son taux de glycation, ce qui, pour les sujets à risques, sera un moyen simple d’enrayer précocement ses effets délétères pour la santé. Avec une bonne hygiène de vie, mais aussi, à terme, avec des médicaments actuellement à l’étude.
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