Bien que la place du bain tiède dans l’arsenal des moyens utilisés lorsqu’un enfant a de la fièvre, tend à diminuer dans les articles médicaux de ces dernières années,, elle reste importante dans les publications destinées au grand public. Le réflexe de donner un bain reste très présent dans les familles.
Un questionnaire national en 1997 révélait que plus de 50 % des parents de 1 027 enfants âgés de zéro à trois ans les baignent en cas de fièvre. S’opposer à la fièvre provoque un conflit avec l’organisme qui va activer ses propres réactions. Nous allons examiner les protagonistes physiques, physiologiques et psychiques de cette lutte, évaluer l’intérêt du bain d’après les neuf études cliniques parues à ce jour avant de prendre position.
Attention en effet aux bains tièdes en cas de fièvre, ils favorisent les convulsions! Eviter.
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PHYSIQUE : LE BAIN TIRE SON AVANTAGE D’UN TRANSFERT DE CHALEUR BEAUCOUP PLUS RAPIDE DANS L’EAU QUE DANS L’AIR
Le transfert de chaleur est la transmission d’énergie cinétique de molécules très agitées (corps chaud) à des molécules moins mobiles (corps froid). Plus celles-ci sont proches les unes des autres, comme peuvent l’être celles d’un liquide par rapport à celles d’un gaz, plus les chocs sont fréquents et plus la transmission est rapide.
Au cours du bain, ce transfert est d’autant plus important que l’eau est froide, qu’elle est agitée, que la surface de peau immergée est importante, que l’épaisseur de la graisse sous cutanée est fine. Il peut dépasser les capacités de défense du corps humain. Les marins connaissent bien ce danger de l’homme qui tombe à la mer dont la mort est rapide en eau froide, moins d’un quart d’heure dans une eau à 2 °C, sans l’utilisation récente de combinaison de survie particulièrement isolante.
Mais le bain supprime aussi l’évaporation de la sudation cutanée, autre moyen de refroidissement très efficace lorsque la production de sueur est activée, c’est-à-dire lorsque la fièvre baisse.
Ainsi, un bain donné en même temps qu’un antipyrétique actif supprime une capacité spontanée du corps à se refroidir.
LES RÉACTIONS PHYSIOLOGIQUES (VASOCONSTRICTION, AUGMENTATION DU MÉTABOLISME) TÉMOIGNENT DES STRATÉGIES DE DÉFENSE POUR CONSERVER LA CHALEUR CORPORELLE
Intervention des centres thermorégulateurs
Dès l’immersion, I’information du refroidissement immédiat de la peau, à la même température que celle de l’eau, est transmise aux centres régulateurs. On a longtemps pensé qu’il existait un seul centre régulateur polyvalent, situé dans l’hypothalamus antérieur, en bordure du troisième ventricule. En fait, il semble exister une succession de centres étagés, agissant comme des thermostats en parallèle avec entrée et sortie indépendante. Chacun compare les informations de température avec la valeur de référence et réagit en conséquence. Chaque centre contrôle celui qui est sous-jacent. Au sommet, le centre hypothalamique coordonne l’ensemble de la chaîne.
Ces centres sont spécialisés. Certains augmentent la vasoconstriction périphérique et le métabolisme par l’intermédiaire du système sympathique et déclenchent des frissons. Les autres agissent sur le psychisme et organisent la réaction comportementale.
Vasoconstriction périphérique
La vasoconstriction périphérique diminue l’irrigation des extrémités et de la surface du corps. Elle réduit le refroidissement de ces tissus qui sont des lieux de stockage important de chaleur. La vasoconstriction diminue la vascularisation des extrémités en ouvrant les shunts artério-veineux des zones exposées (mains, pieds, nez, lèvres, oreilles). Dans ces conditions, chez des sujets non fébriles, au bout des doigts, dans l’air, la température de la peau baisse alors de 8 °C et les pertes de chaleur sont diminuées de 50 % . Dans les membres, le sang veineux de retour est orienté préférentiellement en profondeur au contact de l’artère, et recueille, à contre courant, la chaleur artérielle. Les pertes de chaleur sont alors diminuées de 40 %. A l’échelle du corps entier la diminution des pertes est estimée à 25 %. Ces estimations pourraient être majorées en cas de fièvre.
La vasoconstriction permet d’éviter d’augmenter le métabolisme dans certains cas : au début d’une fièvre, certains sujets augmentent leur température avant l’accélération de leur métabolisme, c’est-à-dire par simple diminution des pertes de chaleur. Chez certains enfants fébriles, le métabolisme basal est diminué par rapport à l’état apyrétique; le maintien d’une température plus élevée n’est possible que par une diminution des pertes périphériques de chaleur.
Au cours du bain d’un enfant fébrile (40 °C) sans frisson, la vasoconstriction contribue à garder une température stable au cours d’un bain frais.
L’augmentation du métabolisme et les frissons
Au cours de la fièvre, le métabolisme de base, calculé d’après la consommation d’oxygène et le rejet de gaz carbonique n’est pas toujours augmenté. Il est légèrement diminué chez des enfants de un à six ans atteints de rougeole, augmenté de 7 % par degré de fièvre chez des enfants impaludés de six à 15 ans, et variable chez des enfants de un à six mois avec des écarts importants (- 41 % à + 43 %) indépendants de l’âge et de l’importance de la fièvre. Ce métabolisme peut-il être augmenté lors d’un refroidissement externe ? Il s’accroît de 30 % chez un adulte modérément fébrile lorsqu’il est refroidi par voie externe ou lorsqu’il est exposé à un air amblant de moins de 20 °C .
Les frissons sont la principale cause de cette augmentation. Ces contractions musculaires cloniques, autour de la position d’équilibre, sans travail mécanique, génère de la chaleur, ce qui est quelque peu paradoxal quand on tente de refroidir le corps ! Une autre source de chaleur métabolique peut s’activer en cas de refroidissement important, lors d’un écart d’au moins 0,5 °C entre la température centrale et sa valeur de référence. La dégradation de la graisse brune permet aux mitochondries qu’elle contient, en nombre particulièrement élevé et spécifiquement adaptées, de transformer l’ATP en chaleur. Présente chez le nouveau-né, sa masse diminue avec l’âge, jusqu’à quelques dizaines de grammes chez l’adulte. Elle engaine des gros vaisseaux qui emporte la chaleur produite.
LA RÉACTION PSYCHIQUE D’INCONFORT
La perception de la température a deux composantes, I’une discriminative (ceci est plus chaud que cela), I’autre subjective (agréable ou désagréable). Le psychisme a la faculté de moduler et même d’inverser complètement la perception subjective. Une même température peut être vécue très agréablement ou très désagréablement en fonction des intérêts de l’organisme. Tout ce qui concourt à rapprocher la température de l’organisme de sa valeur de référence est jugé agréable (s’habiller quand on a froid). Tout ce qui l’en écarte est vécu désagréablement (s’habiller quand on a chaud). Au cours de la fièvre, la température de référence est élevée. Toutes les situations qui vont tendre à l’abaisser, bain frais par exemple, vont être désagréables. Ceci est d’autant plus évident lorsque la fièvre augmente. L’enfant, même à 39 °C, se plaint d’avoir froid, se pelotonne sous sa couette, calfeutrant chaque orifice pour s’isoler de la température ambiante. Rappelez vous le discours bouleversé de certains parents qui ont rapidement écourté un bain devant les hurlements de leur enfant !
COMMENT S’ORGANISE LA RIPOSTE DE L’ENFANT FÉBRILE À L’IMMERSION DANS UN BAIN FRAIS ?
Les messages thermiques en provenance de la peau n’ont pas le même impact dans le déclenchement des différentes réactions de l’organisme. Pour l’activation de la vasoconstriction, du métabolisme et des frissons, ils interviennent modestement pour 20 à 36 %. Ces manifestations sont surtout sous la dépendance des températures internes. Par contre, ils contribuent à égalité avec les signaux de températures internes pour la modulation psychique du confort thermique. Cette relative importance ainsi conférée aux signaux émanant de la peau, en rapport avec sa situation de première ligne d’alerte et de défense contre les pertes de chaleur, va lui permettre de générer d’abord une première réaction d’alerte par l’émergence d’un sentiment d’inconfort, lui-même à l’origine de comportements de défense et d’opposition (gémissements, pleurs), avant de mobiliser des mécanismes d’adaptation plus lourds et plus durables.
ÉTUDES CLINIQUES
Neuf études cliniques, concernant 818 enfants âgés de quatre mois à cinq ans et demi, ont tenté d’évaluer l’intérêt antipyrétique du mouillage à l’eau tiède. Une éponge est constamment essorée sur tout le corps de l’enfant pour qu’il soit mouillé en permanence par une fine couche d’eau tiède. Les échanges de température sont équivalents à ceux du bain. Deux groupes sont notamment comparés : bain avec antipyrétique versus antipyrétique seul. L’évolutivité naturelle de la fièvre est responsable de certaines incohérences lors de l’analyse détaillée des résultats. On peut toutefois dégager quatre convergences : pendant le bain, la décroissance est d’autant plus rapide que l’eau est froide. L’association bain + antipyrétique est légèrement plus efficace que le traitement antipyrétique seul : les 201 enfants baignés selon des protocoles similaires ont une défervescence au bout de 20 à 30 minutes supérieure de 0,3 °C en moyenne à ceux qui ne l’ont pas été; lorsque le bain est prolongé, il a un avantage discutable, soit léger [25, 28, 30, 33], soit nul [26, 27, 31, 32]. À distance du bain, le traitement antipyrétique est toujours plus efficace. L’inconfort, parfois important, est toujours supérieur dans le groupe bain.
Un bain prolongé dont l’eau est de 4 °C inférieure à la température rectale, peut être inefficace. Il corrobore certains témoignages analogues de parents.
LES BAINS TIÈDES RESTENT-ILS INDIQUÉS COMME MOYEN DE LUTTE CONTRE LA FIÈVRE ?
En dehors de la question de la légitimité de faire, baisser la fièvre, qui ne rentre pas dans le cadre de cet article, trois aspects sont à discuter : Le bain est souvent donné en même temps qu’une prise d’antipyrétique. Quel est l’intérêt d’une telle procédure, la plus fréquemment utilisée lorsque des parents découvrent la fièvre élevée de leur enfant ? Le bain entraîne une défervescence légèrement plus précoce et plus importante que la prise d’antipyrétique.
Certes, la pharmacocinétique des antipyrétiques explique le délai d’une trentaine de minutes environ après absorption pour que leur action devienne maximum. Mais quel est l’intérêt d’accélérer la baisse de la fièvre lorsqu’elle est amorcée par le traitement antipyrétique ? Le confort est tributaire de la relative similitude entre la température corporelle et la température de référence. Si les deux baissent en même temps, I’enfant ne ressent pas d’inconfort.
Si un certain écart apparaît, la perception devient désagréable. Les antipyrétiques agissent sur la température de référence alors que le bain diminue la température corporelle. Ainsi, pour garder une perception agréable, il faut que la décroissance de la température corporelle accompagne, sans la devancer, l’action fébrifuge des antipyrétiques. Ceci enlève beaucoup d’intérêt à l’action vigoureuse du bain.
La puissance de refroidissement du bain est-elle fonction de l’âge ?
Il n’existe aucune mesure avant l’âge de quatre mois. Certes, la surface cutanée des plus jeunes enfants est relativement plus grande que celle des plus âgés par rapport à leur volume. Mais ce facteur ne semble pas prépondérant. Steele et al trouvent que l’action du bain est plus rapide chez les plus jeunes enfants mais Mahar et al. ne retrouvent pas cette différence.
L’intérêt du bain pourrait-il bénéficier de certaines déficiences des traitements antipyrétiques ?
Des parents nous rapportent quelquefois la résistance de fièvre élevée à un antipyrétique donné à dose correcte. Certes, une cytokine de macrophage a été isolée, responsable de fièvre sans activation de la synthèse de prostaglandines, donc insensible à l’action de l’ibuprofène et des salycilés qui agissent à ce niveau. Toutefois, I’adjonction d’un deuxième antithermique, la constance de la défervescence au cours des études d’efficacité des différents antithermiques, plaident pour la suprématie sans partage de la pharmacologie.
En conclusion que faire?
Donner un bain tiède pour faire baisser la fièvre d’un enfant peut être une agression de son organisme dont les réactions vont limiter l’importance du refroidissement, en particulier par une sensation d’inconfort d’autant plus marquée que ce refroidissement est actif. Dans les situations de routine où prime le bien-être de l’enfant, le bain, d’efficacité bien modeste et limitée, n’apporte pas d’intérêt supplémentaire à l’administration d’un médicament antipyrétique pour faire baisser la fièvre.
De plus, attention aux risques de convulsions. Donc éviter les bains tiède pour faire baisser la fièvre, mais utiliser les bonnes doses d’antipyrétiques en fonction du poids de l’enfant. Auparavant s’assurer avec le pédiatre s’il y a vraiment utilité à la faire baisser: son rôle est important.
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