La bonne manière d’utiliser les aérosols-doseurs en cas d’asthme: quelques idées reçues

Bien utiliser l’aérosol-doseur et les inhalateurs de poudre sèche prescrits en cas d’asthme est très important, sinon la bonne dose ne sera pas délivrée, n’arrivera pas comme il faut dans les bronches puis bronchioles de votre enfant. Et sa guérison ne sera pas optimale. De nombreux traitements ne sont pas suffisamment actifs à cause d’une mauvaise observance et une mauvaise technique d’utilisation.

Ci dessous, quelques idées reçues qui vous aideront.

 

Idée reçue N°1 : Il est nécessaire de secouer les aérosols-doseurs avant usage

Contexte : Lorsque les chlorofluorocarbures (CPC) étaient le gaz propulseur des aérosols-doseurs, les substances actives étaient conditionnées sous forme micronisée, ce qui nécessitait d’agiter le dispositif avant usage.
L’avènement des aérosols à hydroxyfluoroalkane (HFA), en permettant de dissoudre les substances actives dans le gaz propulseur, a supprimé la nécessité de cette précaution. Néanmoins, il persiste des aérosols à CPC, ainsi que certains aérosols à HFA restant sous forme de suspension, ce qui complique les conseils à donner aux patients.

Conseils :

  • L’usage de substances actives solubilisées dans l’HFA abolit la nécessité de secouer les aérosols-doseurs qui utilisent ce gaz propulseur.
  • Mais, parce que tous les aérosols ne contiennent pas de l’HFA (ou certaines formulations qui sont toujours sous forme de suspension), il faut continuer à conseiller de les secouer avant usage, à l’exception des inhalateurs de poudre sèche qui ne doivent jamais être secoués avant usage.

Idée reçue N°2 : Les performances des chambres d’inhalation varient selon leur matériau

Contexte : Les chambres d’inhalation libèrent le patient de la nécessité de savoir synchroniser l’inspiration avec le déclenchement de l’aérosol. Néanmoins, l’inspiration doit débuter au plus tard 3 secondes après l’aérosol(les particules restent en suspension dans la chambre pendant 10 secondes).
Les chambres en plastique sont sujettes à l’électricité statique, ce qui peut piéger des particules le long de leurs parois. Pour compenser, il est parfois nécessaire de saturer les parois en particules en amorçant avec une première pression avant la pression efficace (ce qui consomme du produit pour rien).
Les chambres en métal ne présentent pas ce problème.

Conseils :

  • Les chambres d’inhalation ne sont pas équivalentes : celles en métal n’ont pas besoin d’amorçage, celles en plastique nécessitent un amorçage, sans pour autant disposer d’études fiables pour le confirmer.
  • Pour les chambres en plastique, le lavage au liquide-vaisselle et le séchage à l’air libre sont recommandés par les fabricants pour réduire l’électricité statique, et il semble raisonnable de suivre ces recommandations. Il est également important de changer la chambre si elle a été fortement salie (par exemple par une régurgitation).

Idée reçue N°3 : Après une inhalation, il faut bloquer sa respiration pendant 10 secondes

Contexte : Retenir sa respiration après l’inhalation augmenterait la fixation de la substance active sur ses récepteurs. Néanmoins, la durée optimale de cette apnée semble varier selon la vitesse d’inhalation. Une étude n’a pas montré de différence entre une apnée de 10 secondes et une apnée de 4 secondes.

Conseils :

  • Retenir sa respiration après une inhalation pourrait augmenter le dépôt des substances actives dans les voies respiratoires, mais aucune étude n’a montré un effet clinique à long terme de cette pratique.
  • Une durée d’apnée de 5 secondes semble raisonnable, en attendant davantage de données.

Idée reçue N°4 : Mieux vaut se rincer la bouche après une inhalation de corticoïdes

Contexte : L’inhalation de corticoïdes modifie l’immunité de l’oropharynx et du larynx et favorise l’apparition decandidose buccale et, peut-être, de caries dentaires chez l’enfant. Si le rinçage systématique réduit les dépôts de corticoïdes, aucune étude n’a liée cette réduction à une diminution de l’incidence de candidose.

Conseils :

  • Malgré la réduction du dépôt de substances actives dans l’oropharynx, il n’y a pas d’évidence claire que se rincer la bouche réduit l’incidence de la candidose ou des caries dentaires (sauf peut-être chez les enfants, pour les caries).
  • Certaines données suggèrent que les dépôts de bêta-2 mimétiques pourraient favoriser l’apparition de caries chez les enfants, mais cela demande à être confirmé.

Idée reçue N°5 : Les inhalateurs de poudre sèche craignent l’humidité ambiante

Contexte : L’humidité augmente le diamètre des particules dans les inhalateurs de poudre sèche. Néanmoins, aucune étude clinique ne fait de lien entre l’humidité ambiante et l’efficacité de ces traitements.

Conseils :

  • Les inhalateurs de poudre sèche devraient être entreposés dans un lieu sec, car l’humidité réduit la capacité de la poudre à se disperser.
  • Les patients devraient être informés qu’il ne faut jamais souffler dans un inhalateur de poudre sèche,pour éviter la condensation.

Idée reçue N°6 : Les patients peuvent savoir si leur aérosol/inhalateur est vide

Contexte : Lorsque les dispositifs ne disposent pas de compteur de doses, les patients peinent à garder trace du nombre de doses utilisées. De plus, la plupart d’entre eux ne connaissent pas le nombre maximal de doses de leur dispositif. Pour cette raison, les patients ont tendance à renouveler leur prescription bien avant la dernière dose.
De plus, l’astuce qui consiste à faire flotter l’aérosol dans de l’eau n’est pas fiable, dépend du dispositif et expose à boucher les valves avec de l’eau.

Conseils :

  • Sans compteur, il est quasiment impossible de déterminer le nombre de doses restant dans un dispositif d’inhalation.
  • Les prescripteurs devraient systématiquement préférer les dispositifs qui intègrent un compteur.
  • Lors de prescription d’un dispositif sans compteur, il faut s’assurer que le patient est prêt à garder trace du nombre de doses consommées, et qu’il dispose en permanence d’un dispositif de secours.

Idée reçue N°7 : Choisir le même type de dispositif pour tous les médicaments inhalés augmente l’efficacité du traitement

Contexte : Plusieurs études ont montré que l’usage simultané de deux dispositifs de types différents (aérosol + inhalateur) multiplie le nombre d’erreurs. Une étude portant sur 11 000 patients atteints de BPCO a même montré que ce double usage augmente le risque d’arrêter tout traitement inhalé.

Conseils :

  • Même si les études suggèrent que les patients qui utilisent un seul type de dispositif ont une meilleure adhésion au traitement, les études manquent pour confirmer un bénéfice clinique.
  • Il semble raisonnable d’essayer de prescrire un seul et même type d’inhalateur pour tous les traitements inhalés.

Idée reçue N°8 : Laisser au patient le choix du dispositif est préférable

Contexte : Des études observationnelles ont suggéré une corrélation entre la satisfaction du patient quant aux dispositifs utilisés et sa capacité à atteindre des objectifs thérapeutiques préalablement définis. Néanmoins, la satisfaction du patient n’est pas la preuve d’un bon usage du dispositif et il peut être nécessaire d’évaluer régulièrement les deux variables.

Conseils :

  • L’hypothèse qui lie le contrôle de la maladie respiratoire avec la satisfaction du patient n’a jamais été démontrée.
  • Néanmoins, la satisfaction devrait être régulièrement évaluée et les dispositifs adaptés pour obtenir une satisfaction optimale.

Idée reçue N°9 : Pour réduire l’éventuel enrouement dû aux corticoïdes, il faut essayer un autre inhalateur de poudre sèche

Contexte : L’idée que l’incidence de l’enrouement (« dysphonie« ) liée aux corticoïdes inhalés varie selon le type d’inhalateur est parfois évoquée. Une étude suggère que la dysphonie pourrait être soulagée en changeant de dispositif, en réduisant la dose de corticoïdes ou en prescrivant une pro-drogue inactive sur les voies aériennes supérieures (ciclésonide).

Conseils :

  • Si la dysphonie est un effet indésirable reconnu des corticoïdes inhalés, aucun lien n’a été établi entre son occurrence et le type de dispositif prescrit. En cas de dysphonie, changer de dispositif est une stratégie qui manque de preuves.
  • Des études restent à faire pour confirmer que les pro-drogues à faible biodisponibilité pour l’oropharynx permettent de réduire l’incidence des dysphonies.

Idée reçue N°10 : Une mauvaise adhésion au traitement va de pair avec un mésusage des dispositifs

Contexte : Des études observationnelles ont suggéré que le mésusage des dispositifs d’inhalation va souvent de pair avec une mauvaise adhésion aux traitements. Même si la preuve des liens entre adhésion, bon usage des dispositifs et efficacité des traitements n’est plus à faire, le mésusage et la mauvaise adhésion au traitement semblent pourtant indépendants l’un de l’autre.

Conseils :

  • Mauvaise adhésion et mésusage des dispositifs sont des causes fréquentes d’asthme mal contrôlé.
  • Les deux doivent évalués régulièrement, car ce sont deux variables indépendantes.

 

Article publié par Stéphane Korsia Mefre  12 Mai 2016 dans www.vidal.fr

 

Pour en savoir davantage:

L’article de la plateforme ADMIT (accès gratuit, en anglais)
Levy ML, Dekhuijzen PNR et al. « Inhaler technique: facts and fantasies. A view from the Aerosol Drug Management Improvement Team (ADMIT) », npj Primary Care Respiratory Medicine 26, Article number: 16017 (2016)

Le site de la plateforme ADMIT