Article écrit par le Docteur Jean-Michel HÉRIN, hypnothérapeute, anesthésiste.
Premier accouchement
Cette patiente accouche pour la deuxième fois.
La première fois, la péridurale a été posée alors que la dilatation était déjà avancée.
Au moment de l’appel pour la péridurale, la sage-femme observe une dilatation du col de sept centimètres.
La patiente est assise. On procède aux différentes étapes de l’asepsie cutanée. Au moment de faire l’anesthésie locale, les cris de la patiente changent. Mon expérience me fait dire que la patiente aborde la phase d’expulsion, bref, la patiente est-elle « à complète ».
– « Il est toujours possible de faire la péridurale, mais celle-ci risque de ne pas avoir le temps d’agir.
– Tant pis. On ne la fait pas.
– Si vous voulez, je reste avec vous. Si vous en avez besoin, je vous tiens la main.
– Ça, je veux bien.
– Alors je vous propose de concentrer tous vos cris en bas. Si vous en avez besoin, vous pouvez crier autant que vous voulez, si possible à l’intérieur de vous. »
La patiente est installée par la sage-femme sur le dos. Le papa est invité à rentrer à nouveau dans le box d’accouchement. La sensation de pousser est de plus en plus intense. La patiente finit par se recroqueviller sur le côté, comme si elle se ramassait sur elle-même, pour se concentrer, et concentrer ses forces.
À chaque contraction, elle saisit la main de son mari. Trois contractions plus tard, le bébé est là.
La sage-femme a juste guidé les efforts d’expulsion, ainsi que la tête et les épaules du bébé.
Mon collègue infirmier anesthésiste et moi-même étions là, nous contentant d’un « magnifique », « super », « bien ! », « c’est super comme vous faites ! », Mais bien présents dans l’instant.
Avons-nous fait l’hypnose ?
Peut-on appeler cette disposition du corps et de l’esprit, dans laquelle s’installe la patiente, de l’autohypnose ? Peut-on ajouter que cette autohypnose était potentialisée par notre présence, par notre « intention » ?
Après réflexion, la patiente s’est installée dans une bulle de protection dans laquelle elle a invité son mari. Ils étaient tous les deux, comme à l’intérieur d’une membrane pellucide. La sage-femme, mon collègue et moi-même avons probablement offert une solidité analogue à celle que la coquille procure à l’œuf.
Cette expérience conforte l’idée que c’est le patient qui travaille. Le thérapeute n’est là que pour accompagner.
Parfois « faire de l’hypnose » consiste en une présence, une attitude bienveillante, se traduisant dans un langage non verbal qui peut décevoir les témoins de l’expérience, s’attendant souvent au côté plus théâtral de l’hypnose. On retrouve la notion de « non agir », qui ne veut pas dire ne rien faire.
Docteur Jean-Michel HÉRIN, hypnothérapeute, anesthésiste.