La Jalousie de l’ainé vis à vis du bébé

La jalousie de l’ainé vis-à-vis du bébé : Voici des idées nouvelles si bien illustrées par Victor Hugo

La jalousie est une souffrance. Que faire pendant l’attente de la naissance pour éviter ou atténuer la jalousie de l’ainé ? Comment s’y prendre à la naissance et après pour faire face à cette jalousie ?
On dit beaucoup que la jalousie est normale, et qu’il faut l’accepter comme un phénomène banal. On écrit beaucoup que l’on doit fortement surprotéger l’ainé pour qu’il ne soit pas frustré !!
Ceci est tout à fait inexact et conduit trop souvent l’ainé à plus d’agressivité contre son petit frère (ou sœur) et contre ses parents. Il devient de plus en plus jaloux.

Il faut lever un malentendu.

Non ! L’enfant déjà né n’est pas frustré par la naissance de son petit frère. Je crois même que le plus beau cadeau possible à lui faire est justement de lui donner un frère ou une sœur. Les enfants uniques nous le disent bien. Même si vous êtes très riches vous ne pourrez jamais lui trouver plus beau présent, cadeau plus précieux pour la vie.
De cette idée évidente, découle le reste.

Votre ainé s’identifie au bébé avant même qu’il naisse.

Ce phénomène normal persiste après sa venue au monde. Il fait volontiers le bébé, redemande le biberon, recherche câlins et bercements. Parfois il se remet à parler bébé, on dit qu’il régresse. Il obtient facilement de ses parents ce surcroît de gestes affectueux. Ses parents les lui accordent d’autant plus facilement qu’ils pensent au bébé à venir et s’attendrissent déjà. Il sent à quel point le bébé attendu est important pour ses parents. Il sait que ses parents investissent le bébé et tout naturellement il s’identifie à lui.

A la naissance votre ainé va poser à ses parents la vraie question.

Il la pose en faisant des gestes ambivalents vers le bébé : il l’embrasse et l’écrase en se couchant sur lui. Il lui caresse la main et soudain la lui serre très fort ou lui met les doigts dans les yeux, en vous regardant… il attend votre réponse. Viendra-t-elle ?
Beaucoup de parents se trouvent alors en pleine hésitation et se disent : »le pauvre il doit partager l’amour de ses parents…il est frustré…Nécessairement il va falloir s’occuper de lui beaucoup plus pour qu’il se fasse à l’idée de cette importune naissance… ». Ce discours traverse les pensées de tous les jeunes parents. Il est parait logique et semble mathématiquement juste. En fait il n’en est rien !
L’amour des parents pour leurs enfants est-il partagé : non. Il ne s’agit pas d’une tarte coupée en parts mais d’un tout que chaque enfant a tout entier. Ici point de calcul, mais des sentiments qui ne vont pas changer. Il est aimé tout autant qu’avant. Voici ce qu’en dit Victor Hugo :
Ô l’amour d’une mère ! Amour que nul n’oublie !
Pain merveilleux qu’un dieu partage et multiplie !
Table toujours servie au paternel foyer !
Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier !

Mais que demande-t-il donc votre enfant si agité, tourmenté, de plus en plus difficile depuis la naissance récente?

Question clé dans ce domaine de la jalousie.

En agressant devant vous le bébé et en accaparant l’attention de ses parents, en envahissant tout le territoire, en cherchant ouvertement à détourner sa maman du nouveau-né, l’ainé demande à ses parents : « Est-ce que vous protégez mon petit frère ? »
Si la réponse est hésitante et évasive, il en sera profondément déstabilisé et inquiété au fond de son cœur. Il s’identifie tellement au bébé qu’il tremble à l’idée qu’on puisse délaisser son petit frère. Son petit frère, n’en doutez pas est pour lui le plus précieux du monde. Il veut savoir si, pour ses parents, il en est de même. Protégez-vous mon petit frère ?

Comment répondre ?

En faisant fête autour de la naissance. En montrant qu’on se réjouit de la venue de ce beau poupon, en l’annonçant à tout le cercle de famille, en sablant le Champagne et en échangeant des photos. Victor Hugo le dit si bien:
Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris ; son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître,
Innocent et joyeux.

Or certains pensent qu’il faut étouffer l’affaire, faire comme s’il n’était pas là et ménager beaucoup l’ainé. Quelle erreur !
Il faut donc montrer sa joie de la naissance, donner une grande place au bébé et prendre ostensiblement du temps avec lui, comme on le fait avec tous les bébés, comme on l’a fait avec l’ainé. Bien sûr il faut garder son amour pour l’ainé et le lui exprimer mais surtout lui redire que vous tenez à choyer ce bébé, à le protéger bec et ongle, comme vous protégez l’ainé.
Nous le savons, il n’est pas toujours immédiat d’accepter le nouveau-né et de lui faire sa place. Il faut un peu de temps pour faire sa connaissance. La jalousie de l’ainé sera majorée si le délai s’allonge entre la naissance et le jour où vous saurez dire clairement en parole et dans les gestes que vous êtes heureux de la venue de votre bébé.

Dr Alain BROCHARD Pédiatre à Strasbourg -février 2009