C’est une question que se posent beaucoup de parents. Le blocage alimentaire sur la viande par exemple, où le refus de boire du lait, ou tel autre enfant qui grappille des miettes de pain et mange comme un moineau. Dans beaucoup de familles, cela mène parfois à de grandes tensions en particulier autour de la table lors des repas.
Et même parfois à de la violence.
Alors que…
Alors que chaque enfant est en quelque sorte préprogrammé pour manger plus ou moins et qu’il ne faut surtout pas comparer entre tel enfant et tel autre. Chaque individu a son propre métabolisme, j’enfonce une porte ouverte en disant cela; il n’y a qu’à voir chez nous les adultes: certains mangent deux carrés de chocolat et prennent du poids, d’autres s’empiffrent et…ne prennent pas un gramme.
Nous sommes tous différents sur le plan des besoins en aliments, il faut le respecter:
Souvent, en tant que parent, on se dit: si je ne lui donne pas çà ou ci comme aliment, il ne s’habituera jamais et il ne va pas passer sa vie à ne manger que des pâtes ou des friandises. Qu’on se le dise: il ne faut jamais forcer un enfant, c’est la pire des choses à faire. On risque tout au plus de le transformer en anorexique et courir droit à l’éclatement de la cellule familiale pour cause de fortes tensions.
L’organisme va absorber ce dont il a besoin. Bien sûr, je ne parle pas des très rares cas où on a affaire à une intolérance alimentaire particulière qui sera facilement dépistée par le pédiatre (il y aura alors d’autres signes cliniques que le simple refus de manger) ou une pathologie intestinale inflammatoire rare (là aussi, il y aura d’autres signes, des diarrhées, des vomissements, un amaigrissement, etc.) Je parle ici des enfants qui chipotent, froncent des sourcils, ne terminent pas leurs plats, etc., jusqu’à parfois pousser des hurlements qui feront la joie des parents…
Notre prise de poids est dépendant d’un équilibre très précis entre ce que nous mangeons et ce que nous dépensons (si nous sommes au repos, si l’enfant fait une activité physique, quelle est sa vitesse de croissance, etc.).
Donc un enfant qui mange peu, mais a une courbe de taille régulière, avec un poids inférieur à ce qu’il devrait être par rapport à sa taille, ne doit pas alarmer, sauf très très rares cas (voir plus haut). Le tube digestif de l’enfant va puiser dans le peu d’alimentation, ce dont il a besoin.
Faut-il alors donner des vitamines à ces enfants qui mangent peu ?
Ce n’est pas nécessaire d’enrichir leur alimentation. Il y a une sorte de balance énergétique qui est suivie de près par nos cellules et nos « hormones ». Il y a entre autres une d’entre elles (c’est une protéine), qui s’appelle la leptine et qui joue un rôle connu depuis peu, qui est fondamental. Souvent, on l’appelle hormone de « satiété ». C’est une hormone anorexigène. Elle exerce une sorte de contrôle négatif au niveau de notre cerveau, entrainant ainsi une baisse de notre appétit quand nous avons assez, et une augmentation de notre appétit dans le cas contraire.
Donc si on enrichit l’alimentation d’un enfant qui mange déjà peu, le danger sera…qu’il mange encore moins. Et ça deviendra de l’acharnement de vouloir lui faire avaler une cuiller de vitamines en le poursuivant dans le couloir et en faisant du chantage.
Stop, surtout pas!
Pas de chantage affectif auprès de l’enfant. Évitez les propos du genre: si tu termines ton assiette, maman t’emmènera jouer au parc ou si tu ne termines pas ton assiette, tu n’iras pas au cinéma ou on n’invitera pas tes amis pour ton anniversaire. On tombe dans l’excès et l’enfant ne fera pas le lien entre l’aliment (qui l’aide à vivre) et le sentiment pour faire plaisir à son papa ou à sa maman. Il risque d’en devenir perturbé et les suites logiques sont connues.
Mais alors que faire?
- Donc, ne pas contraindre
- Ne pas hésiter à inviter des petits copains à la maison et par mimétisme l’enfant voudra parfois faire…comme eux
- Faire inviter votre enfant chez des amis (sans votre présence): vous serez étonnés d’apprendre qu’ailleurs, souvent ça se passe…mieux. Hélas, l’égo de papa ou de maman en prend un coup, mais c’est ainsi
- Souvenez-vous comment ça se passait pour vous-même quand vous étiez petit…Vous allez peut-être comprendre des trucs.
- Naturellement, ne pas proposer à manger à votre enfant en dehors des 3 repas principaux habituels, sous prétexte qu’il va mourir de faim
- ne passer lui donner des aliments moulus à l’âge de 2 ans ou plus sous prétexte qu’il refuse les solides. Le problème est ailleurs dans ce cas-là: voyez avec votre pédiatre
- Ayez à l’esprit que dans nos pays dits riches, les enfants ne meurent jamais de faim où alors ça se saurait. Les seuls à qui ça arrive, ce sont ceux qui deviennent …anorexiques. Et pourquoi sont-ils anorexiques dans certains cas? Cherchez un peu, vous allez trouver par vous-même.
- Prendre du plaisir à faire manger l’enfant. Il doit y trouver son compte et ne plus se dire que le repas devient une corvée et qu’on va encore lui mettre la pression.
- Ne pas bourrer son assiette sous prétexte qu’il a un petit poids. Ça va renforcer une mauvaise construction de son image et quand il sera adulte, il se souviendra de propos du genre: c’est un petit gringalet, il est tout maigrichon, il a la peau sur les os, c’est un sac d’os, il nous fait peur, etc. Ca marque…à vie (comme le contraire pour les enfants obèses qui se font traiter de gros par leurs camarades de classe: c’est dit et jamais oublié, la souffrance va aller en grandissant dans ce monde où le regard de l’autre est presque satanique).
- Associez-le à préparer des petits plats, pourquoi pas des légumes en beignets, un oeuf coque cuit 3mn le matin, essayez des choses nouvelles, sans tomber sur « des pâtes à chaque repas ou pizza »: une catastrophe
- Attention aussi à veiller à ce que son alimentation ne soit pas déséquilibrée lorsqu’il va manger…chez les grands-parents une ou deux fois par semaine. Eux-mêmes, pensant bien faire, peuvent dans certains cas lui donner des friandises en lui faisant promettre de « ne rien dire à tes parents ». Ce qu’on ne fait pas pour que des petits enfants aient du plaisir à venir. Mais pas besoin de passer par la nourriture pour les encourager à venir, il y a d’autres moyens.
- Et si vraiment vous ne savez plus quoi faire, vous êtes à bout, nous sommes là, nous les pédiatres, on prendra le temps d’en parler avec vous, de faire le point et de vous conseiller.