Le stress chronique majore le risque de crise d’asthme chez l’enfant

Si la responsabilité du stress aigu dans les crises d’asthme de l’enfant est connue, un travail finlandais vient de démontrer que le délai entre l’événement et l’exacerbation de la maladie peut varier selon l’état de tension de l’enfant. S’il n’existe pas de contexte stressant chronique, ce délai est de trois à six semaines; en cas de contexte psychosocial difflcile, cet intervalle libre est ramené à moins de deux semaines. La situation la plus marquante affectivement pour l’enfant est une perte (séparation des parents, décès ou départ d’un être cher).

En matière d’asthme de l’enfant, deux importantes questions n’ont pas été soulevées jusqu’à présent. Elles se rapportent au type de stress susceptible de déclencher une crise et à l’intervalle libre entre cet événement et la survenue de l’épisode aigu. C’est chose faite grâce à une étude, parue dans le dernier  » Lancet « , sous la plume de Seija Sandberg et coll.

La perte, principal événement stressant

Ces médecins (fnlandais et britanniques) ont pu tout d’abord confirmer que des faits marquants sévères sont à même d’exacerber l’asthme de l’enfant, entre 6 et 13 ans, quand coexistent d’autres facteurs de stress. Ils ont pu déterminer que l’intervalle libre entre l’événement stressant et la crise est de l’ordre de trois à six semaines lorsque l’enfant ne connaît pas un état chronique de stress élevé. Ce délai est ramené à moins de deux semaines lorsque existe un tel fond permanent de stress, avec un risque majoré.

Le travail a permis également de déterminer que, d’une façon globale, une perte est le principal événement stressant pour ces enfants : séparation des parents, décès d’un grands-parent ou départ d’un ami proche. Quant aux facteurs créant l’état permanent de stress, ils sont plus variés. Le travail finlandais isole un sous-groupe d’enfants cinq fois plus stressés que les autres. Ils connaissent soit la pauvreté, soit des parents handicapés, atteints d’affections psychiatriques ou allergiques, soit une discorde familiale, soit, enfin, ils présentent des difficultés scolaires.

Au sein de ce sous-groupe, les enfants étaient en plus sujets à un certain degré de rejet parental et de leurs camarades. Rien d’étonnant, ajoutent les auteurs, que chez eux l’événement déclenchant provienne de cette « adversité chronique « . Chez des enfants soumis à un tel contexte, le risque de survenue d’un épisode d’exacerbation dans les quinze jours est triplé par rapport au reste du groupe.

Une des forces de ce travail, précisent les auteurs, est qu’il a été réalisé de façon prospective sur une durée de dix- huit mois. Certes, d’autres travaux ont déjà réalisé des évaluations de la sévérité de l’asthme, mais en étudiant les événements stresseurs de façon rétrospective. D’autres travaux ont été aussi menés de façon prospective, mais sur des périodes plus courtes.

D’autres facteurs impliqués dans la survenue des épisodes d’aggravation ont été étudiés. Il apparaît que les petites filles sont plus souvent concernées que les garçons, que, comme on s’y attendait, le tabagisme parental majore le risque. La gravité de l’asthme joue aussi son rôle. Si la maladie a été très active au cours de l’année précédente ainsi que l’existence de récents épisodes aigus favorisent le risque d’exacerbation. Il en va de même pour les enfants dont l’asthme est considéré comme sévère (un tiers des enfants enrôlés).

Le travail établit un lien entre la fréquence des exacerbations antérieures et la survenue de nouvelles. Il apparaît qu’un enfant ayant présenté au moins trois épisodes aigus dans le semestre précédent voit son risque d’exacerbation doublé.

En revanche, il n’est apparu aucune corrélation entre la classe sociale et la fréquence globale des épisodes de crises. L’hiver et l’automne, enfin, connaissent davantage d’épisodes d’exacerbation de l’asthme que l’été. L’explication en résiderait dans la plus grande fréquence des infections respiratoires hautes en périodes froides.

Moindre résistance aux infections virales

Une hypothèse physiopathologique à ces conclusions est proposée par les auteurs. Elle provient de l’extrapolation d’études antérieures sur les relations entre événements stressants et la survenue d’infections virales, ainsi que des recherches sur le lien entre asthme dans l’enfance et infections respiratoires hautes. Les auteurs suggèrent que leurs résultats puissent être en partie expliqués par l’effet négatif du stress sur la résistance aux infections virales dans l’enfance.

La conclusion du travail est pratique. Les médecins finlandais et britanniques proposent à leurs confrères de prêter davantage attention au contexte de stress dans lequel évoluent ces enfants asthmatiques. Et de ne pas hésiter, en cas de difficultés psychosociales et familiales, à proposer une prise en charge psychologique spécialisée à l’enfant.

Dr Guy BENZADON  » Lancet « , vol. 856,16 septembre 2000 pp. 982-987.