Conseils des pédiatres pour aborder, avec les enfants, les actes terroristes

Article publié le 16/11/2015 suite aux attentats de Paris, et reproduit avec l’aimable autorisation de MPEDIA et l’Agence Passerelles

 

Flash Info presse, 16 novembre 2015

Conseils des pédiatres pour aborder avec les enfants les actes terroristes

Les enfants perçoivent tout de ce que disent les parents même si ça ne leur est pas adressé, ils perçoivent encore plus l’émotion des parents et des adultes. Il faut prendre en compte qu’ils vont recevoir des informations ailleurs qu’à la maison : à l’école de leurs enseignants, de leurs camarades…
Il revient aux parents, en premier lieu, de les aider à parler de ce qu’ils ont vu, entendu, de ce qu’ils ont compris et de ce qu’ils craignent. Il leur revient de les aider à mettre des mots sur leurs émotions et ressentis, à leur mesure, selon leur âge, selon leur personnalité. Les parents doivent avant tout soutenir leur enfant, le rassurer.

Trois idées fortes à retenir :

Les enfants sont plus sensibles à l’émotion des parents qu’à la réalité des événements ou des mots.

Les enfants ont besoin de savoir qu’ils sont protégés par leurs parents et par la société.
Écouter d’abord l’enfant et parlez à partir de ce qu’il dit.

Quelques pistes pour aider les parents

DE MANIÈRE GÉNÉRALE

Prenez l’initiative avec vos enfants, abordez avec chacun les événements :

Ne pensez pas que, si l’enfant n’en parle pas, c’est qu’il n’a rien vu ni ressenti. Le silence peut s’installer quand l’adulte lui-même est sous le choc ou pris par ses propres émotions. Ce silence va avoir potentiellement un retentissement différent chez l’enfant. Le petit enfant peut alors s’imaginer être responsable de l’émotion de son parent ; le plus grand peut ne pas comprendre pourquoi son parent est à ce point déstabilisé. Il vous faut alors si vous montrez vos émotions les expliquer : « je suis triste (ou en colère) parce qu’il s’est passé quelque chose de grave à Paris ».

Parlez des faits qui se sont passés, en termes simples et adaptés à chaque âge, selon la personnalité de l’enfant, en vous assurant de ce qu’il a compris. Démocratie, liberté, égalité, fraternité, république, religion, terrorisme, mort, n’ont pas le même sens ou ne représentent pas les mêmes dimensions en fonction de l’âge. N’affirmez pas de certitude en réponse aux questions si vous n’avez pas les éléments. Avant de répondre à des questions posées par l’enfant, demandez-lui ce qu’il en pense lui. Il n’y a pas de question gratuite : l’enfant a sa théorie que vous ne pouvez imaginer et c’est de cette idée qu’il faut partir pour lui donner une explication. Et vous pouvez, en réponse à certaines questions, dire que vous ne savez pas.

À CHAQUE ÂGE LES BONS MOTS

Pour les plus de 6-7 ans (âge auquel l’enfant a conscience du caractère irrévocable de la mort)

Parler de la notion d’idéologie terroriste :

  • Expliquez qu’il y a des terroristes (dire le mot) qui ne supportent pas que d’autres pensent différemmentd’eux et veulent les supprimer en les tuant
  • Cela ouvre sur la notion de tolérance. On peut penser différemment de quelqu’un. On peut le lui dire MAISon doit respecter la pensée de l’autre. Au nom de notre pensée ou de nos idées, on n’a pas le droit de faire du mal à l’autre.
  •   Prendre l’exemple de la famille : « tu ne penses pas toujours comme moi, je ne pense pas toujours comme toi mais on en parle et on s’explique calmement ».
  • Se garder vis à vis des enfants d’exprimer ses propres ressentis extrêmes.
  • Dire que les terroristes ne sont pas toute l’humanité.

Parlez de la notion d’embrigadement :

  • Le doute est normal. On ne sait pas toujours ce qu’on doit penser. Il faut discuter avec d’autres pour êtreplus sûr et choisir ce que l’on pense. MAIS on ne doit jamais se laisser imposer une idée par ceux qui disent détenir la vérité et que les autres ont tort.
  • Ne pas se laisser enfermer dans un groupe qui vous empêche d’aller dans d’autres groupes cela s’appelleune secte c’est comme « une prison de la pensée ».
  • À l’école, refuser de suivre ceux qui empêchent de parler à d’autres ou les dévalorisent.
  • Quand on est ainsi sous l’emprise de quelqu’un ou d’une façon de faire ou de penser, quand on est enfermépar quelqu’un dans un groupe, il faut en parler à ses parents, à ses autres amis, aux enseignants. Ne pas céder à la pression, au chantage, aux menaces.

Pour les petits: 

  • Expliquer qu’il y a des gens très méchants qui font parfois du mal à d’autres gens.

À tous:

  • Que les parents, la société, la police sont là pour empêcher les méchants d’agir et pour nous protéger.
  •   Ils n’y arrivent pas toujours (et c’est de cela dont on parle aujourd’hui) mais ils y arrivent presque toujours.
  • Que la vie doit continuer coûte que coûte

    LA TÉLÉVISION ET LES MÉDIA:

    Ils peuvent être nocifs pour les enfants à 2 niveaux :

  • Le choc des images que les enfants ne peuvent pas métaboliser, qui les impressionnent, sans qu’ilscomprennent tout.
  • La fascination des parents devant ces images qui effrayent l’enfant et restent pour lui énigmatiques (leparent, pendant qu’il regarde, est souvent indifférent à l’enfant)Les parents doivent avoir la sagesse de couper la TV d’emblée pour les petits et après quelques minutes pour les grands puis prendre le temps d’expliquer aussitôt. Ces explications doivent être reprises plus tard avec les enfants pour décrypter, discuter et analyser ce qu’ils ont retenu et compris « qu’est-ce que toi tu as compris ? »

    LES DISCOURS POLITIQUES

    Mettez l’enfant à l’abri des débats d’idées interminables et véhéments. Dites-lui que les personnes qui dirigent le pays discutent entre elles pour trouver la meilleure solution à ces problèmes.
    Gardez-vous, en famille, de toute polémique face à l’enfant (Si le président de la république ou la police, qui sont faits pour protéger le pays, sont disqualifiés devant l’enfant, celui-ci ne se sent plus protégé par la société et doutera de la capacité de protection des parents).

    Expliquez aux plus grands qu’il peut y avoir plusieurs opinions, que vous préférez l’une ou l’autre mais que l’essentiel est que les gens qui décident discutent entre eux et choisissent la voie qui convient au plus de monde possible.

    Quand s’inquiéter ?

  • Si les plus petits ont des signes de régression : besoin de câlins, de doudou, troubles du sommeil…
  • Si les plus grands présentent des signes d’anxiété de séparation pour s’endormir, aller à l’école, rester seul, etc

 

Il est important que la vie de votre enfant continue comme avant. Il est normal qu’il présente des signes d’anxiété pendant quelques jours.

Ce que vous pouvez faire : accompagner cette anxiété qui est normale et signifie qu’il réagit, en étant encore plus rassurant et présent même de loin (exemple : « Des bisous magiques plein ses mains pour attendre ce soir… », « On s’occupe de toi, on te protège »). Et reprendre les explications tant qu’il a des questions.

Si ces signes durent au-delà de quelques jours, si l’enfant ne retrouve pas son entrain, a fortiori s’il adopte une attitude de désintérêt par rapport à ses activités antérieures, de retrait, s’il invente des jeux inhabituels rappelant les événements, il vous faut le faire aider par un professionnel.

Ouvrages recommandés

Pour les parents :

  •   « Dis c’est comment quand on est mort ? : Accompagner l’enfant sur le chemin du chagrin »d’Hélène Romano, éd. Pensée sauvage (2009)
  • « L’enfant face au traumatisme» d’Hélène Romano, éd. Dunod (2013)

Pour les enfants :

 

Texte libre de droit, écrit à l’initiative du groupe d’études et de recherche en pédopsychiatrie de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (Responsable : Dr Catherine Salinier)

À propos de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA)

L’AFPA est une association nationale regroupant plus de 1 500 pédiatres ayant un mode d’exercice à prédominance libérale (cabinets de ville et maternités privées). Bon nombre d’entre eux exercent aussi une activité publique hospitalière ou communautaire (crèches, Protection Maternelle Infantile -PMI-, maisons et établissements d’enfants à caractère sanitaire -MECS-, structures de prise en charge des handicaps, médecine scolaire, etc.).

Ses différentes missions visent à développer les actions de formation continue, à élaborer une réflexion sur les programmes et les moyens de cette formation, à promouvoir la recherche médicale dans le domaine de la pédiatrie ambulatoire, et à réaliser des actions et des programmes de pédiatrie humanitaire. En recherche, les pédiatres de l’AFPA sont impliqués dans des protocoles portant sur l’élaboration des examens systématiques, la création ou l’étalonnage outils de bilan, l’évaluation de la dépression du nourrisson, de la latéralité…

Elle est intégrée au Conseil National Professionnel de Pédiatrie (CNPP) à côté de la Société Française de Pédiatrie (SFP) et des syndicats de pédiatres. Elle entretient d’étroites relations avec les sociétés homologues européennes au sein de l’ECPCP (European Confederation of Primary Care Pediatricians) et nord-africaines. Elle est reconnue par le Ministère de la Santé, la HAS (Haute Autorité de Santé) et la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie), qui sollicitent ses experts sur les thématiques de la pédiatrie en ville.

Dans les domaines de la promotion de la santé et de la prévention, il est important de souligner la forte implication de l’AFPA dans les différents plans santé nationaux comme le PNNS (Programme National Nutrition Santé) et sa collaboration active avec l’INPES (Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé).

Enfin, l’AFPA intervient également dans la formation des pédiatres comme maîtres de stage permettant d’accueillir des internes de pédiatrie en formulation dans les cabinets libéraux.

Sa présidente est le Dr Nathalie Gelbert.
Sites Internet : www.afpa.orgwww.mpedia.fr – Twitter : @PediatresAfpa

Contacts presse : Agence Passerelles

Anne Laure Guillaume & Isabelle Latour-Gervais  Mail : afpa@passerelles.com