Pratique de l’hypnose en anesthésie obstétricale

DE L’AISANCE A LA NAISSANCE : pratique de l’hypnose en anesthésie obstétricale

article écrit par le Dr Jean Michel Hérin, anesthésiste à la Clinique Sainte- Anne à Strasbourg

On demande souvent quelle est la différence entre des techniques comme la relaxation, la sophrologie, et l’hypnose. La différence fondamentale est que l’état d’hypnose correspond à un état de dissociation. « Vous savez, quand vous conduisez votre voiture et que vous faites un trajet régulier, qui ne vous demande pas de concentration, que vous faites comme automatiquement, comme du travail à la maison par exemple, il vous arrive d’arriver à destination et de n’avoir aucun souvenir du trajet. D’un côté vous avez pensé à vos prochaines vacances, ou bien à votre dernière soirée entre amis, à votre liste de courses … et pourtant, en même temps, de l’autre côté, vous avez conduit, passé les vitesses, débrayé, freiné, vous étiez capable de vous arrêter au feu rouge, d’éviter un piéton traversant brusquement … vous étiez dissociée » …En général il s’agit d’une expérience plutôt agréable, « confortable », accompagnée d’une abolition de la notion du temps écoulé pendant ce moment. Je me demande s’il ne serait pas plus intéressant de remplacer ce paragraphe par le texte à la fin en annexe qui est une induction de transe pour la réalisation d’une péridurale

Pourquoi faire de l’hypnose ?

« L’hypnose commence au moment où s’établit la relation d’écoute, de respect et de prise en compte de la demande des patients » comme le dit J. Zeidan. Faire de l’hypnose tout simplement parce cela apporte du confort et que l’état hypnotique nous met en contact direct avec notre inconscient. Cet inconscient n’a rien à voir avec l’inconscient de Freud, lieu de refoulements. Il s’agit là d’un réservoir de ressource et d’apprentissages, apprentissages individuels mais aussi d’apprentissages socioculturels ; raison pour laquelle, à new York par exemple, les femmes issues de la communauté italienne ou hispanique ne vivent pas et n’expriment pas l’accouchement de la même manière que les « WASP » (white anglosaxon protestant). La future partu riante ( !) peut ainsi aller puiser dans cet inconscient tout ce qui peut lui être utile pour l’accouchement.

Qui peut faire de l’hypnose ?

Toute personne formée : médecin, sage femme, IADE, IBODE, kinésithérapeute et surtout les patientes elles même ! L’état hypnotique est un état physiologique nécessaire à l’homéostasie psychique humain : nous passons par des « phases hypnotiques » régulièrement, ce qui permet à notre inconscient, un peu comme les ordinateurs, de faire les mises à jours et les sauvegardes. En fait tout praticien fait de l’hypnose comme Monsieur Jourdain fait de la prose, nous savons tous chanter mais si nous prenons des cours de solfège et de chant nous chantons mieux.

Quand faire de l’hypnose dans un contexte obstétrical ?

L’anesthésiste pratiquant l’hypnose peut en faire en salle d’accouchement, pendant la pose de péridurale. Il peut aussi en faire pendant un « accouchement par césarienne », et j’insiste sur la terminologie « accouchement par césarienne ». L’hypnose peut être utile lors de manœuvres endo-utérines telles que révision utérine, délivrance artificielle, ainsi qu’en salle de réveil, en post partum et lors du retour à domicile. En fait on peut tout le temps faire appel à l’une ou l’autre des techniques hypnotiques pour se ressourcer, retrouver du confort !

Comment faire de l’hypnose ?

Le principe est simple : désactiver le cerveau gauche, cerveau numérique, scientifique et pragmatique, et activer le cerveau droit, plutôt analogique, artiste et rêveur. On bloque le cerveau gauche en appliquant des techniques telles que fixation de l’attention sur un point précis, la saturation, la confusion. On active les cerveau droit en utilisant un langage métaphorique, des sensations Visuelles, Auditives, Kinesthésiques et Olfactives : le fameux VAKO.

Quelles sont les particularités de l’hypnose en obstétrique ?

La parturiente arrivant en salle de naissance est en transe hypnotique, mais il s’agit d’une « transe négative », « inconfortable ». Le but est de la faire passer rapidement dans une transe agréable. Le médecin anesthésiste, appelé pour une péridurale, prend en charge une patiente inconnue dans un contexte d’urgence algique souvent intense. Il s’agit alors d’installer alors une transe dans les plus brefs délais afin d’effectuer des gestes techniques précis dans les meilleures conditions. La patiente tournant le dos au médecin pendant la pose de la péridurale il est difficile d’observer les signes classiques d’entrée en transe hypnotique. Quand la patiente rentre en transe hypnotique on constate une immobilité, une diminution de la fréquence respiratoire, sur laquelle on peut se baser pour faire du pacing. La fréquence cardiaque maternelle, et éventuellement fœtale, la pression artérielle ont tendance à diminuer. La patiente ne réagit pas lors de la désinfection cutanée (l’antiseptique est «légèrement frais » et non pas « froid »), lors de l’anesthésie locale (« ça peut picoter légèrement » et non « je vous pique »), lors de l’introduction de l’aiguille de Tuohy (« je vous invite à rester bien immobile » plutôt que « ne bougez pas »)… Il est intéressant de noter que les besoins en anesthésiques locaux ont tendance à être moindres chez les patientes bénéficiant de la pose d’une péridurale sous hypnose et que l’on bénéficie d’une meilleure stabilité hémodynamique.

Techniques d’induction de la transe hypnotique :

Il existe autant de techniques d’induction hypnotique que de praticiens à formation identique. Et pour peu que le praticien soit un tant soit peu créatif et dispose de plusieurs techniques les possibilités sont infinies : techniques de la fixation de l’attention sur un point fixe, techniques de dissociation basées sur la relaxation et sur le VAKO. L’ensemble de ces techniques rentre par ailleurs dans la démarche de bientraitance des patientes à savoir éviter toute stimulation visuelle (le matériel d’anesthésie loco-régionale, la lumière dans le box d’accouchement), auditive (le langage qui leur est tenu durant le déroulement des actes médicaux), kinesthésique (température des produits de désinfection, pudeur des patientes) … ce qui est valable pendant tout le séjour en maternité !

-La technique « du confort » permet de réaliser un « ici et maintenant », un « VAKO » en très peu de temps : installation du confort des pieds sur le tabouret, des mains sur les genoux, relâchement des épaules, grande inspiration de départ, quelques « yes set » et quelques doubles implications, confusions et saupoudrage … et la patiente est déjà dans un registre de calme pouvant aller jusqu’à une transe profonde permettant d’effectuer la pose de la péridurale dans les meilleures conditions.

On peut, alors que la patiente est en transe, introduire des métaphores : métaphores de facilité, de simplicité, métaphores de dilatation … On peut aussi initier un « ancrage », ainsi que des suggestions post hypnotiques. La réassociation se fera soigneusement : on « referme » dans le même ordre que celui avec lequel on a « ouvert ».

-technique des métaphores :

Métaphore du tonneau : l’idée est d’ « isoler » le segment abdominal douloureux dans un tonneau dans lequel règnent des pressions plus ou moins importantes, comme si ce segment était « dissocié » du reste du corps …

Métaphore du bain : bain dans une baignoire ou bain dans la mer : dissocier la partie immergée de la partie émergée … introduction de jeux de mots hypnotiques, entre la mer calme et la mère calme, la mère sereine, la mer cenaire …

-Lieu sûr :

Lieu sûr géographique : s’isoler dans un endroit réel ou fictif où l’on se sent bien : une maison, un lieu naturel, une pièce de la maison … (« un peu comme si vous étiez dans un endroit totalement confortable, totalement agréable, où vous vous sentez en sécurité, comme dans un cocon … agréable … où vous êtes totalement protégée … )

Lieu sûr temporel (distorsion dans le temps) : un moment dans le passé où l’on s’est senti particulièrement bien et retrouver cet état agréable, un moment agréable dans un futur plus ou moins proche (« imaginez vous entrain de préparer la fête d’anniversaire des dix ans de votre bébé … la nappe, les bougies le gâteau (V), les musiques que vous allez mettre pour la fête, les voix des enfants, de votre mari (A), le contact rassurant de la nappe, la chaleur des bougies (K), l’odeur du gâteau (O) … les odeurs des couleurs, le parfum des odeurs … (confusion)…»

Lieu sûr corporel : retrouver, en état de transe, une région corporelle dont le contact avec la main active des processus inconscients de soulagement, de bien être … (« et quand votre main retrouve le contact de votre genou … la main gauche sur le genou gauche ou … la main droite sur le genou droit … quand les circonstances s’y prêtent … vous retrouvez le calme … agréable … la protection … en sécurité … protégée … agréablement …. (ancrage, saupoudrage …)

Lieu sûr « affectif » : personnes « sûres » : « personnes avec qui, quoiqu’il arrive on se sent bien, on se sent en sécurité … »

– Techniques de déplacement d’analgésie : induire, par exemple, une analgésie en gant au niveau de la main , puis la transférer sur une autre zone corporelle ayant besoin d’être soulagée …

Baiser du cheval, ou encore la « torture indienne »* : «je vous propose de prendre le temps nécessaire, par exemple cinq respirations, pour « fermer » l’interrupteur … un peu comme, quand vous étiez enfant, vous disiez « même pas mal » quand on vous donnait une fessée … »

-Jeux de mots hypnotiques :

Aux patientes qui pleurent : ne pas avoir peur des larmes, ratifier les larmes : inutile de dire à une patiente qui pleure « arrêtez de pleurez » mais au contraire l’accompagner dans ses pleurs « dans chaque larme vous éliminez quelque chose de désagréable pour ne garder que les choses agréables, les larmes sont des armes qui vous donnent des ailes* … Aux patientes anxieuses rappeler que le mot « inquiet » peut s’écrire « in quiet » … « Tout va se passer comme par magie… comme par enfantement … »

-Prescription de symptôme : on demande aux patientes hyper crispées de se crisper encore plus en leur demandant de serrer très fort une balle anti-stress, ou bien la main de la sage femme … on cherche à induire une confusion : « madame je vous demande maintenant d’enfoncer vos ongles le plus fort possible dans les mains de la sage femme, ou bien de prendre sa main et de la … mordre ! » (induction d’une confusion tant chez la patiente que chez la sage femme, ayant pour effet de d’annihiler toutes les tensions tant chez la patiente que chez la sage femme !) … On peut aussi avoir deux balles de couleurs différentes et faire serrer deux fois la rouge à gauche, une fois la bleue à droite, quatre fois la rouge à bleu, trois fois la rouge à droite etc … ce qui induit un autre type de confusion ….

Position basse :

Dans tous les cas utiliser les éléments recueillis lors de la rapide prise de contact avec la patiente : déroulement des accouchements précédents, vécu d’anesthésies …

« Une patiente, extrêmement paniquée pendant toute sa grossesse, et a fortiori le jour de l’accouchement, me dit qu’elle a fait « la politique de l’autruche » et qu’elle n’a pas voulu travailler sur son angoisse pendant toute sa grossesse, et que c’est pire que tout aujourd’hui. En la préparant pour la péridurale je l’ai donc installée dans le confort, puis je lui ai proposé une promenade en Autruche, avec des montées et des descentes, où elle saurait qu’après chaque montée il y aurait une descente, et vice versa, et que pendant cette promenade elle pourrait faire la politique de l’Autriche mais que ça n’était pas toujours ce qu’il y a de mieux. Le temps de raconter tout cela en peu de mots la péridurale était installées et la patiente était détendue et souriante.

J’ai fini par dire à une autre patiente aux multiples antécédents que j’espérais ne pas être là le jour de son accouchement, que je lui souhaitais d’avoir à faire à un collègue plus expérimenté. Elle a fini par me rassurer en m’assurant que tout allait bien se passer ! ».

Depuis peu nous proposons aux patientes ou à leurs maris, de faire des mandalas pendant le travail. Cela peut paraître surprenant mais cet outil constitue un plus supplémentaire dans notre éventail de techniques à la disposition des patientes. Cela a permis par ailleurs à certaines sages-femmes ou gynécologues de patienter et de ne pas se précipiter au bloc opératoire pour une stagnation de travail ! Tout cela rentre dans un projet global d’utilisation de techniques non médicamenteuses telles que la réflexothérapie, les massages, les passages, la balnéothérapie, l’acupuncture etc …

Alors quelle technique utiliser de prime abord ? Laisser les neurones miroirs de la parturiente et de l’anesthésiste se mettre en phase, un peu comme lorsque l’on active le bluetooth …. Et laisser les choses de faire … en sachant que certaines patientes n’ont parfois « pas besoins d’hypnose », ou bien alors que c’est la sage femme, ou l’IADE qui lui murmure des choses dans les oreilles ….

L’hypnose peut elle être une alternative à la péridurale dans le cadre de l’analgésie du travail ? Certainement oui. En revanche elle ne se substitue pas à la prise en charge anesthésique classique de la parturiente, à savoir anticiper sur les situations à risque d’anesthésie au moyen d’un cathéter péridurale en place.

Et l’hypnose en cas d’accouchement par césarienne ?

La patiente amenée à bénéficier d’un « accouchement par césarienne » est souvent déçue de ne pas accoucher par voie basse et ressent souvent le sentiment d’être dépossédée de ce moment, et de ne plus être active dans la naissance de son enfant. « Une patiente passant au bloc opératoire après un travail long et difficile me dit « ce n’est pas comme ça que je voulais accoucher ! ». Aussi je lui demande comment elle voulait accoucher. Elle me répond qu’elle pensait accoucher en cinq minutes et qu’elle pensait pousser. Je lui ai répondu qu’elle allait effectivement accoucher dans cinq minutes et que l’on comptait bien sur elle pour pousser. Cela a totalement modifié son vécu et elle d’est sentie active dans le processus d’arrivée au monde de son enfant. Elle me disait elle-même ce qu’il fallait faire ! »

L’ « accouchement par césarienne » se fait soit, de manière itérative, sous rachianesthésie soit, en urgence, sous réinjection de péridurale ou, exceptionnellement, sous anesthésie générale. L’hypnose est une aide efficace non seulement lors de la réalisation de l’anesthésie locorégionale mais aussi pendant toute la procédure chirurgicale. Tout comme lors de la réalisation de la péridurale, un accompagnement hypnotique est une aide intéressante pour la réalisation de la rachianesthésie : technique de confort, de lieu sûr, de projection dans le temps, métaphore du bain … Cela permet de surcroît d’installer un état de détente pour la patiente et une ambiance calme dans la salle d’intervention, en particulier dans le contexte urgent de souffrance fœtale aigue.

L’apparition d’éventuelles nausées/vomissements peut être ratifiée comme le signe du moment où l’anesthésie s’installe profondément. « il peut arriver qu’au moment où l’anesthésie s’installe très profondément vous puissiez ressentir des nausées. Si cela se produit dites le moi et je vous donnerai un haricot blanc » … le fait de parler de « haricot blanc » crée une confusion qui supprime instantanément la moindre nausée, ce d’autant plus que l’on constate chez les patientes sous hypnose une meilleure stabilité hémodynamique, tant sous péridurale que sous rachianesthésie. On peut aussi parler de haricot vert ou de haricot rouge … le haricot bleu est déconseillé …

Des métaphores telles que celle du bain permettent de dissocier la partie émergée (au dessus de T4, T4 étant le niveau sensitif correspondant au quatrième métamère thoracique, environ aux mamelons) de la partie immergée (en dessous de T4). Le bain peut se faire dans la mer, ce qui permet d’introduire la notion de vagues de plus en plus grandes, ou de dauphins venant taquiner le ventre, au moment de la pose des écarteurs ou de l’extraction fœtale.

On réassocie la patiente juste avant l’extraction fœtale afin de placer la patiente dans un processus actif en lui demandant de pousser pendant l’extraction fœtale (« je vous invite à pousser en soufflant doucement, comme si vous souffliez sur une bougie sans faire bouger la bougie ») et en demandant au père, s’il est présent, de lui tenir la tête. On peut reinitier la transe pour la fin de l’intervention se cela est nécessaire, une fois que l’enfant est avec le pédiatre qui lui donne les premiers soins.

Une patiente venant de bénéficier d’un « accouchement par césarienne » m’a fait le plus beau compliment dans ces circonstances:

«- Mais finalement j’ai accouché ou j’ai eu une césarienne ?

-et bien au lieu de passer par la fenêtre il est passé par la porte.

– mais là il est passé par la porte ou par la fenêtre ?

– eh bien … il est passé par la porte fenêtre ! »

Hypnose et manœuvres endo-utérines

La révision utérine se fait la plupart du temps sous anesthésie péridurale si le cathéter est en place, sinon sous anesthésie générale. Les rares révisions pratiquées sous hypnose n’ont pas laissé un bon souvenir aux sages femmes présentes car les patientes ont crié, sans pour autant manifester de signe d’inconfort au signaling … Révision sous hypnose ? Révision sans anesthésie ? La frontière est floue chez ces patientes souvent non préparées à ce geste dans un contexte hémorragique angoissant. La nécessité d’une ratification de la transe reste à définir, par une catalepsie par exemple …

A noter que l’hypnose permet de diminuer les saignements de manière parfois spectaculaire : il existe par exemple des métaphores telles que la source qui se tarit, la mer qui va vers la plage qui va vers le désert, etc …

2. Hypnose et consultation d’anesthésie à disposer là où cela semble le plus opportun

2.1 Consultation pré anesthésique

La consultation d’anesthésie pré accouchement n’a pas de spécificité si ce n’est de terminologie ayant trait à la programmation neurolinguistique : éviter des mots comme « piquer », « cathéter » …

Les différentes techniques de prise en charge de « l’inconfort » sont exposées et parmi ces techniques est citée l’hypnose. Si la patiente est intéressée on lui propose deux séances avant l’accouchement.

2.2 Préparation à la naissance :

La préparation à la naissance sous hypnose est pratiquée dans notre établissement un médecin anesthésiste ou bien par une sage femme. On propose aux patientes motivées deux séances individuelles, avec ou sans le père, suivant les souhaits :

La première séance consiste en une prise de contact :

La patiente évalue à l’aide de l’échelle d’Armelle Touyarot le chemin qu’elle a déjà parcouru entre 0 (je ne suis pas prête du tout) et 10 (je suis totalement prête).

On recueille le vécu d’accouchements antérieurs éventuels, les craintes et attentes de la patiente. On expose ce qu’est l’hypnose, ce que la patiente peut en attendre et ne pas en attendre. Il est clairement explicité que l’hypnose ne dispense pas et ne prétend pas forcément se substituer à la péridurale.

Si les patientes viennent avec leur conjoint on s’enquiert de leurs attentes mutuelles (« Madame qu’attendez vous de lui, que n’attendez vous pas de lui. Monsieur, qu’attendez vous d’elle, que n’attendez vous pas d’elle ? »). Cela peut permettre, par exemple, de démystifier les cris des parturientes pendant l’accouchement : « Avez-vous déjà écouté Roland Garros (et j’imite le cri du jour et le bruit de la balle sur la raquette), ou un film de guerre où les guerriers poussent des cris pour se donner du courage ? Ils n’ont pas forcément mal quand ils crient ! ».

La pratique d’un génogramme permet parfois d’appréhender le parcours de ces personnes d’un regard neuf et fort utile.

Les techniques de « morcellage » sont intéressantes : « une contraction dure environ une minute et vous avez environ une contraction toutes les cinq minutes, ce qui, si on compte, signifie que l’inconfort dure environ douze minutes par heure, et ensachant que toute la contraction n’est pas douloureuse … »

Nous recueillons soigneusement, souvent à l’aide de la « question magique », les éléments fournis par le discours de la patiente et qui vont nous fournir le « matériel » avec lequel nous allons travailler. Puis il est proposé l’expérience d’une transe hypnotique. On peut introduire des métaphores de facilité, de simplicité (« depuis que vous êtes avec moi avez-vous pensé à respirer ? Avez-vous pensé à digérer, alors que l’on est en début d’après midi ? Vous voyez, votre corps est programmé pour ces fonctions, sans que vous ayez à y penser … il en est de même pour l’accouchement … votre corps sait faire ce qu’il y a à faire … pendant ce temps vous vous concentrez sur des sensations agréables : des musiques, des lectures, des souvenirs agréables, des projets agréables … ». On peut aussi proposer des techniques de lieux sûrs, de transfert d’analgésie, de déplacement dans le temps etc. On rappelle à la patiente qu’elle vient pour mettre au monde son enfant et non pour avoir des contractions, avoir des douleurs, avoir une perfusion ou une péridurale …

Depuis mon récent séjour chez Ernest Rossi j’aurais tendance à utiliser plus souvent la technique « des mains de Rossi ». Cette technique, dont la base est l’élaboration d’un « processus créatif », incite la patiente à concevoir elle-même les outils qui lui seront utiles pendant l’accouchement.

La patiente est invitée à expérimenter au décours immédiat une expérience d’autohypnose : « un peu comme si vous veniez d’apprendre à nager. Allez y, traversez le bassin et je vous regarde faire pour voir si tout va bien ».

On peut terminer la séance en réeavaluant le degré de préparation et en proposant à la patiente de faire une liste de choses agréables pouvant lui être utiles le jour de l’accouchement : liste de musiques agréables, de souvenirs agréables, de personnes « sûres », d’activités potentielles pendant le travail …

La première patiente adressée par un gynécologue l’était parce qu’elle était totalement paniquée à l’idée d’avoir une deuxième césarienne. Mon confrère me la confie en me disant que « je devrais lui faire de l’hypnose, ça lui fera du bien ». Je l’ai vue dans un premier temps en consultation d’anesthésie « classique » puis lui ai proposée de la voir deux fois en « consultation d »hypnose ». Je lui ai proposé de préparer une liste de toutes les raisons qui ont fait qu’elle a un mauvais souvenir et de faire une liste de tout ce que l’on pourrait améliorer la prochaine fois.

La première consultation a consisté à examiner cette liste. La première raison était LE FROID. La deuxième raison était LE NOMBRE DE PERSONNES DANS LA SALLE DE CÉSARIENNE. Une fois qu’elle avait dit son angoisse de se retrouver nue, grelottante, au milieu d’inconnu(e)s, la plus grande partie du « travail hypnotique » était faite !

La deuxième séance est une révision de la première séance en affinant les attentes et les réponses aux attentes. On peut parfois se contenter de ratifier le travail effectué depuis la première séance : « J’ai été récemment amené à voir un couple de musiciens. Elle est chanteuse et lui guitariste. Elle évaluait à 9.90 son degré de préparation. Je lui ai dit que je ne voyais pas ce que je pouvais alors leur apporter (position basse), puis nous avons ratifié ses ressources en utilisant comme métaphores le travail sur le trac qu’ils font avant chaque concert : quelques jours avant, trois heures avant, un quart d’heure avant de monter sur scène. Le travail de concentration, de concentration et de retenue des énergies en fonction de la durée et de la taille du concert, les éventuelles pannes de micro ou les insuffisances de musiciens …un éventuel play back en cas de panne de micro (césarienne) … »

« Plus de la moitié des sages femmes de la maternité sont formées à l’hypnose. « Le jour où vous accoucherez la sage femme qui vous prendra en charge ne sera pas forcément formée, ou, si elle l’est elle ne pourra pas forcément rester tout le temps avec vous. Je vous invite à apprendre à retrouver toute seule cet état de calme agréable dont vous aurez besoin ce jour là … » On demande à la patiente de nous écrire un petit mot après l’accouchement pour nous dire comment a été vécu l’accouchement, quelle a été l’aide procurée par cette préparation. On évalue une ultime fois le degré de préparation.

« J’ai été appelé récemment au secours, le terme n’est pas exagéré, d’une patiente qui avait fait avec moi une préparation à naissance avec l’hypnose. Cette patiente était en tout début d’un travail hyperalgique et elle hurlait à la mort à chaque contraction et m’accueillit en me disant que « votre hypnose c’est de la … ! ». Pendant deux heures je suis resté auprès d’elle à passer en revue toutes les techniques, y compris les plus imaginatives, que je pouvais imaginer pour elle et j’ai fini par lui faire … une péridurale ! J’ai appris a posteriori que cette patiente avait une histoire familiale compliquée qui devrait m’inciter à faire plus systématiquement un génogramme lors des séances de préparation »

Parfois nous pouvons être amenés à revoir une 3ème fois la patiente en cas de besoin ou de difficultés ressenties ou exprimées.

Hypnose et examens gynécologiques

Cela sort du cadre de l’anesthésie. L’hypnose peut néanmoins être une aide précieuse pendant les examens gynécologiques et certaines manœuvres telles que les versions.

Hypnose et post partum

Le médecin anesthésiste intervient peu en post partum. Cependant l’hypnose est un outil intéressant pour la prise en charge des douleurs après l’accouchement, ainsi que pour les phénomènes liés à l’allaitement.

Hypnose et vomissements gravidiques

Survenant souvent dans un contexte psychologique particulier les vomissement gravidiques ont pu se voir dans certains cas améliorés par la question magique, ou par des métaphores.

CONCLUSION

L’anesthésiste exerçant en maternité doit faire appel à toute sa REACTIVITE à tout moment. Cela ne l’empêche pas de pouvoir faire appel à sa CREATIVITE pour faire face à autant de situations que de personnes. L’hypnose permet à l’anesthésiste de faire fonctionner à la fois son cerveau gauche et son cerveau droit. Le voilà dissocié, afin de mieux dissocier les patientes. L’hypnose étant un état de confort et d’hypervigilance tout le monde a tout à y gagner : la patiente autant que le médecin !

BIBLIOGRAPHIE

L’approche hypnotique comme aide analgésique pour l’accouchement, Yves Halfon, “Douleur et analgésie”, vol 21 No 1, Mars 2008, Springer

Manuel d’hypnose pour les professions de santé, Didier Michaux, Yves Halfon, Chantal Wood, Editions Maloine 2007

Pas à pas

Guide de l’autopréparation à l’accouchement par l’hypnose

Armelle Touyarot ed SATAS

Recherches et succès cliniques de l’hypnose contemporaine

Sous la direction de Claude Virot Ed Le souffle d’or

La guérison par l’esprit : pour l’introduction

Stephan Zweig (livre de poche)

– Bernard F et Musellec H, Les colonos de Vacances, Recherches et succès Cliniques de l’hypnose contemporaine, Editions Le Souffle d’Or, 2007,

– Desdames A, Marchand P, Moulin JL. L’hypnose pour traiter les nausées et vomissements : ça marche. Ann Fr Anesth Réanim, 2002 ;21 :448-451

– Virot C, de la transe spontanée à la transe thérapeutique en anesthésie, Agora 2002, Arnette, 2002, 277-284

Métaphores et suggestions hypnotiques

Corydon Hammond Ed SATAS

(J. Zeidan, in « hypnose et thérapies brèves » No hors série No 2 2008)

Recherches et succès cliniques de l’hypnose contemporaine

Sous la direction de Claude Virot Ed Le souffle d’or

« Les anges de l’amor, poèmes hypnotiques » de Jean Michel Hérin Ed les petites vagues

Contact

jm.herin@ghsv.org

Jean Michel Hérin est médecin anesthésiste à Strasbourg. Formé, puis formateur au sein de l’institut Emergences, membre du CAHT (Cercle Alsacien d’Hypnose Thérapeutique), président de CLUD (Comité de Lutte contre la Douleur)de son établissement, il a trouvé dans l’hypnose toute sa cohérence entre ses activités de médecin et ses activités créatrices.

ANNEXE : exemple d’induction de transe pour une péridurale

Je vous invite à prendre une grande respiration et à respirer, à partir de maintenant, de manière …. Imaginative … à observer votre respiration …. A observer comment chaque inspiration suit une expiration … A observer comment chaque inspiration suit une expiration … A observer comment chaque inspiration suit une expiration … (de plus en plus lentement en baissant le ton de la voix) … à observer comment chaque respiration vous apporte du confort, à observer comment chaque respiration vous apporte du relâchement … à observer comment chaque respiration vous apporte toutes les choses nécessaires à votre … confort, à votre sécurité, à votre protection … au relâchement de votre épaule gauche, au relâchement de votre épaule droite … comme chaque respiration vous apporte un nouveau confort … le confort entre votre pied gauche et le tabouret gauche .. le confort entre votre pied droit et le tabouret droit … comme chaque respiration vous apporte de la facilité … comme chaque respiration vous apporte de la simplicité … et installer des filtres … des filtres à sensations … ne garder que des sensations agréables … des couleurs … des lumières … des odeurs, des parfums … des parfums de couleurs … des musiques … des voix … des voix qui vous montrent la voie .. la voie du relâchement .. la voie de la fraîcheur aussi (badigeonnage cutané) … et tout ce qui est frais n’est plus à prendre … ni à apprendre …. ni à attendre … et chaque couche de frais vous protège davantage, chaque couche de frais vous engourdit … comme les picotements (réalisation de l’anesthésie locale) qui engourdissent … comme le dos qui se fait de plus en plus rond, comme s’il s’enroulait autour d’un ballon qui ne serait pas orange … ouvrir les espaces … les rendre ouverts …. Comme la rose qui s’ouvre …. Comme les sensations fugaces … parfois … (montée du cathéter péridural) Comme le ruisseau devient rivière avant d’aller dans la mer … une mère calme, une mère sereine …. (réalisation de la péridurale pendant ce discours) et profiter encore de ces instants de calme pour ramener quelque chose de ce moment … peut être une couleur, peut être une lumière, peut être autre choses qui peut vous aider, quand le besoin s’en fait sentir, quand les circonstances s’y prêtent …. Et prendre une grande respiration et revenir ici et maintenant en bougeant les deux mains, en bougeant les deux jambes …