Les crottes de chien et la répercussion sur la santé des enfants

Les municipalités urbaines ne savent plus quoi faire devant le peu de cas que les propriétaires de chien font des déjections de leur animal de compagnie. Au-delà du désagrément, voire du danger qu’il y a à glisser sur une crotte de chien, ces excréments véhiculent des parasites qui représentent un risque d’infection grave, en particulier pour les enfants. Les bacs à sable sont les lieux les plus redoutables.

Le chien est un réservoir d’agents pathogènes divers dont les enfants sont les premières victimes. Mal des villes et plus encore des lieux de loisirs (plages, rivières, campagne, aires de Jeux), la pollution fécale peut entraîner une contamination des mains et par là-même le risque d’ingestion de germes ou de parasites fécaux. Cette absorption peut se faire par le biais d’aliments souillés, mais, chez les enfants, la contamination est souvent directement réalisée par ingestion de sable. Contrairement au risque parasitaire, le risque d’infections bactériennes semble minime.

L’une des parasitoses les plus communes est la toxocarose. En matière de santé humaine, le problème essentiel posé par les chiens vient des ascarides. En France, les cas autochtones d’Ascaris lumbricoides chez l’homme sont devenus rares, en raison des progrès de l’hygiène et, en particulier, l’évacuation des selles humaines par les égouts.

Toxocara canis vit à l’état de larve dans les muscles des chiens. Le parasite se transmet aux chiots par voie transplacentaire ou par le lait maternel. Un autre mode de contamination est l’ingestion d’Boeufs embryonnés ou d’hôtes paraténiques infectés.

Les ascaridioses des animaux domestiques (des chiens, Toxocara canis, mais aussi des chats, Toxocara cati) sont à l’origine de nombreux cas de syndromes de Larva Migrans Visceral (LMV) : « n existe quelques dizaines de cas dans le monde où la maladie prend la forme d’une localisation cérébrale, qui peut alors déclencher des crises d’épilepsie », précise le Dr Jean-Claude Petithory, responsable du département « qualité en parasitologie » au centre hospitalier de Gonesse, qui couvre toute la France. Non sans indignation, le Pr Jean-Jacques Rousset, chef du service de parasitologie de l’hôpital Avicenne (Bobigny), évoque à ce sujet les expériences pratiquées en 1953 par une équipe américaine, qui n’avait eu aucun scrupule à faire ingérer à deux enfants débiles mentaux 200 Boeufs embryonnés de ce nématode. Les localisations oculaires sont beaucoup plus fréquentes, et leurs principales victimes sont les enfants. « Il se présente une dizaine de cas par an », commente le Dr Petithory.

Dans ces cas, se pose le problème du diagnostic différentiel avec le rétinoblastome, une tumeur maligne dont le traitement est l’énucléation. Le diagnostic repose sur l’examen sérologique des milieux aqueux de l’Ïil. Malheureusement, les traitements ne donnent pas de résultats extraordinaires et ils se soldent souvent par une perte partielle de l’acuité visuelle de ces jeunes patients.

Les larves présentes dans les tissus humains sont, en général, au nombre de quelques dizaines à quelques centaines dispersées dans le foie, le cerveau et surtout les muscles. Dans le cas de syndrome de Larva migrans oculaire, il n’y en a qu’une en général. Les chances d’en trouver lors d’une biopsie sont donc infimes, d’autant que le diamètre de Toxocara sp* est de 12 à 20 micromètres seulement. En outre, le diagnostic différentiel des larves de Toxocara canis et Toxocara cati est pratiquement impossible. La sérologie, comme l’a montré le Dr Petithory, indique que Toxocara cati est en cause dans un tiers des cas.

Ces Bœufs rejetés en grande quantité dans les déjections canines ou félines s’embryonnent dans le sol où ils peuvent survivre plusieurs mois, voire plusieurs années. La saison estivale est la plus propice à la maturation des Boeufs dans le sol.

Attention aux bacs à sable
La pollution du sol par ces Boeufs est très fréquente dans les lieux publics ouverts aux chiens : jardins, bacs à sable, terrains de jeux, sable de plage, etc. De nombreuses études ont été réalisées dans les bacs à sable des villes de France. Elles indiquaient une prévalence d’Boeufs de Toxocara sp variant de quelques pour cent à plusieurs dizaines de pour cent. La destruction de ces Boeufs est diffõcile, puisqu’ils résistent à des solutions de formol ou d’hypochlorite de sodium à 0,5 %.

Le problème des bacs à sable devrait cependant petit à petit disparaître. La législation européenne, et surtout française, impose des règles de plus en plus draconiennes. Ces espaces doivent être ratissés tous les matins et entièrement désinfectés deux fois par an, ce qui revient généralement à renouveler entièrement le sable. Les municipalités soulignent qu’il s’agit le plus souvent de mesures de précaution, car les parcs et les jardins interdits aux chiens sont clôturés par un grillage et accessibles uniquement par des tourniquets. Dans la réalité, la surveillance d’un gardien fait souvent défaut et si les chiens vagabondent difficilement, c’est moins le cas des chats.

Des précautions
Afin de remédier à ce problème, un fabricant propose depuis peu un bac à sable équipé d’un mât central. Matin et soir, le gardien du parc ou du jardin actionne un système pour faire descendre un toit en coque fibroplastique qui recouvre entièrement le bac et permet de le fermer à clé. A Paris, le parc André-Citroën en est déjà équipé et une commune comme Boulogne-Billancourt compte peu à peu remplacer tous les équipements de ses parcs et de ses jardins. Ces précautions devraient porter leurs fruits face aux ascaridioses transmises par les chiens et les chats domestiques. Mais il faudrait également se préoccuper de celles qui sont développées par les animaux sauvages. Leur incidence en pathologie humaine n’a pratiquement pas été étudiée à ce jour.

De manière générale, l’homme ferait bien de se méfier de ces larves qui resteront présentes dans sa vie quotidienne tant qu’il s’entourera d’animaux de compagnie. On sait ainsi que, chez le singe, les larves de Toxocara canis restent vivantes et infectieuses pendant au moins dix ans. Pour sa part, le Dr Petithory évalue à 5 % la proportion de la population française ayant « des larves de Toxocara sp en attente, vivantes, excrétantessécrétantes, dispersées dans leur organisme, principalement dans les muscles ». Même si, à l’heure actuelle, rien ne prouve leur rôle pathogène, rien ne permet de l’éliminer non plus.