L’allaitement maternel est toujours le meilleur ? (sein, nourrisson)

Même si le pourcentage de nourrissons allaités à la sortie de la maternité a augmenté ces dernières années, la France reste à la queue des pays europeens, tant en pourcentage qu’en durée d’allaitement. Pourtant, malgré les progrès des laits maternisés, le lait de mère ne manque pas d’arguments.

La France est en retard sur ses voisins européens
Les statistiques 2010 montrent que 50,1 % des femmes allaitent à la sortie de la maternité contre 42 % en 1995. Ces chiffres situent la France dans le peloton de queue des pays européens: la prévalence dans l’ensemble des pays scandinaves et en Suisse est supérieure à 90 %, elle atteint 85 % en Allemagne et plus de 70 % en Italie, au Royaume-Uni et au Luxembourg. De plus, la durée de l’allaitement dans notre pays est relativement courte, puisque la médiane est de dix semaines, soit 10 % d’enfants allaités à un mois et moins de 5 % à quatre mois. Mais surtout, un tiers des femmes qui ont l’intention d’allaiter renonce avant la naissance… Pourtant, le lait maternel garde des avantages anti-infectieux importants

L’apport du lait maternel en éléments cellulaires, immunoglobulines et autres éléments immunomodulateurs, joue un rôle essentiel dans la prévention des infections. Cette tendance persiste après l’arrêt de l’allaitement puis s’estompe au cours de la deuxième année. Cet aspect est primordial dans les pays en développement, particulièrement dans des conditions d’hygiène précaires. Le risque de septicémie nconatale et d’entérocolite uicéro-nécrosante est considérablement diminué. De nombreux travaux ont montré une réduction importante des gastro-entérites infectieuses (Rota virus, Shigella, Giardia). La cinquantaine d’oligosaccharides et d’oligonucléctides différents et spécifiques favorise l’implantation de la flore bifidogène et la maturation intestinale, expliquant l’action inhibitrice vis-à-vis d’Escherichia coli. Il est observé aussi une diminution des infections respiratoires et des otites par inhibition de l’adhésion du pneumocoque et d’ Hemophilus influenzæ à l’épithél lu m rhinopharyngé. Une étude nord-américaine récente, concernant des milieux sociaux défavorisés, montre que le bénéfice de l’allaitement maternel peut contrebalancer, en termes d’impact sur la mortalité néonatale, les conséquences du faible poids de naissance!

Il retentit sur l’apparition d’un terrain allergique, sur la croissance du massif facial et sur le risque d’obésité
Concernant la prévention de l’allergie, I’influence du lait maternel a été évoquce dès 1930. D’une façon générale, l’allaitement maternel diminue le risque d’allergie, mais cet effet préventif n’est pas constant. Une méta-analyse récente montre que l’action préventive est surtout nette en cas de terrain atopique familial. Elle s’exerce vis-à-vis de l’eczéma, de l’allergie aux protéines du lait de vache et à un degré moindre visà-vis de l’allergie respiratoire. Pour cela, I’allaitement maternel doit être exclusif, poursuivi durant les quatre à six premiers mois de la vie, avec introduction décalée de l’œuf et du poisson après neuf mois.

La croissance du nourrisson allaité est différente de celle du nourrisson recevant un lait industriel. Le développement du massif maxillo-facial et l’implantation dentaire ultérieure sont plus harmonieux. Alors que la croissance staturo-pondérale est plus rapide les deux premiers mois de la vie chez l’enfant allaité, le gain pondéral s’infléchit à partir de trois à six mois, tandis que l’accroissement de la taille et du périmètre crânien reste comparable au groupe nourri artificiellement. Dans les pays en développement, la croissance staturo-pondérale sous allaitement maternel est meilleure jusqu’à l’âge de deux ans, lorsque les conditions sanitaires sont mauvaises. Van Kries et al., en 1999, à partir de six mille cinq cents enfants bavarois, ont montré que le risque de voir survenir une surcharge pondérale, voire une obésité, était significativement moindre chez les nourrissons allaités et que cette tendance s’accentuait avec la durée de l’allaitement. La réduction relative du risque d’obésité s’établit à 30 % lors d’une étude concernant trois mille deux cents petits Écossais, âgés de trente-neuf à quarante-deux mois, après ajustement tenant compte d’autres variables. L’allaitement maternel contribue ainsi à réduire les risques de diabète de type 2.

Il améliore le développement intellectuel
L’impact bénéfique du lait maternel sur le développement psychomoteur et l’intelligence a suscité des controverses. Lucas et al., à Cambridge, ont montré un quotient de développement à dix-huit mois et d’intelligence à huit ans significativement meilleur chez les prématurés et les nouveau-nés à terme bénéficiant d’un lait humain. Cet avantage est corrélé avec la quantité de lait consommée et persiste après correction des autres facteurs. Une méta-analyse relève qu’une majorité des travaux décèle un effet favorable de l’allaitement sur le développement de l’enfant: maturation visuelle, capacité de synthèse et performances motrices. Ces constatations sont corrélées avec les dosages plasmatiques et érythrocytaires des dérivés de l’acide docohexaénoïque et plus généralement à la présence dans le lait humain d’acides gras insaturés à très longue chaîne. Il est néanmoins difficile de faire la part du rôle respectif des composants du lait maternel et des facteurs socio-étucatifs, souvent plus favorisés en cas d’allaitement maternel.

Il protège enfin la maman des risques de cancer et des complications de la ménopause
En dehors du plaisir d’allaiter, la femme qui nourrit retire pour sa santé un certain nombre de bénéfices: diminution des infections du post-partum, perte de poids plus rapide, risque diminué d’ostéoporose, de cancer du sein et de l’ovaire en préménopause.

L’infection à VIH ( Sida) est la principale situation où l’allaitement maternel peut être discuté
Lorsque la mère est infectée ou à risque de contamination par le VIH, les recommandations de l’OMS ne s’appliquent pas de la même façon dans les pays développés ou non. La contamination de l’enfant est favorisée par le caractère récent de l’infection, l’absorption du colostum riche en éléments cellulaires, la présence de crevasses, la prématurité (par diminution de l’acidité gastrique et l’immaturité de la barrière digestive) et l’existence d’une candidose, d’une gingivostomatite, d’une pharyngite ou encore d’une gastro-entérite. En revanche, le lait maternel semble ralentir l’incubation du Sida par inhibition de la liaison du virus au récepteur Iymphocytaire CD4. Selon les études, le risque de contamination de l’enfant après l’accouchement augmenterait de 3 à 30 % en cas d’allaitement. L’importance de la morbidité et de la mortalité d’origine infectieuse dans les pays en voie de développement conduit néanmoins à conseiller l’allaitement, quel que soit le statut maternel. La situation doit être en fait analysée dans chaque pays en fonction des politiques de santé et de la disponibilité des formes artificielles.

Les médicaments, I’alcool et le tabac retentissent sur l’allaitement
Un certain nombre de toxiques et de médicaments vont passer dans le lait maternel et se retrouvent à des concentrations plus élevées que dans les laits industriels. Les contre-indications
médicamenteuses sont peu nombreuses (amiodarone, certains ,beta-bloqueurs, les estroprogestatifs à forte dose, les psychotropes, la bromocriptine, les antimitotiques, certains antidépresseurs, l’ergotamine, les antivitamines K, certains antiépileptiques). Le médicament prescrit doit être indispensable, à posologie fractionnée et minimale et pris juste après la tétée. Les traitements locaux (antiseptiques iodés spécialement) sont à éviter. La consommation de drogues (cocaïne et cannabis) a des conséquences sur le comportement et le développement du jeune enfant. La prise d’alcool diminue le réflexe d’éjection et le volume de lait. Globalement, ces conduites posent davantage le problème des aptitudes maternelles. Le tabagisme, en dehors des risques plus élevés de mort subite et d’asthme, diminue le volume de lait et s’associe à un risque de sevrage plus précoce. En revanche, le risque infectieux reste inférieur chez le nourrisson allaité.

Les obstacles à un allaitement maternel réussi sont d’ordre personnel, socio-culturel, commercial, politique et médical
La plupart des enquêtes relèvent un lien fort entre confiance, estime de soi et réussite de l’allaitement. La moindre fréquence de l’allaitement dans les classes moins favorisées a ici son origine. Le passage d’une société rurale à une société urbaine et l’absence de transmission mère-fille, joints à une médicalisation parfois excessive de l’accouchement, sont également des facteurs négatifs. S’y ajoute une vision déformée de l’allaitement, perçu comme une servitude et un envabissement susceptible, de plus, d’être préjudiciable à l’esthétique du corps féminin… La pression commerciale des aliments de substitution dans les revues spécialisées, au cours des réunions et des congrès, sur les murs même des maternités, la distribution d’échantillons ou de bons de réduction, ont contribué au déclin progressif de l’allaitement maternel. Le Code international des substituts du lait maternel (1981) reste mal appliqué ou mal connu, tout comme les dix recommandations de l’OMS à l’origine du label «Hôpital, ami des bébés » (1991). Il n’existe pas actuellement en France de comité national fédérateur desactions en faveur de l’allaitement. La reprise du travail représente encore un facteur important d’arrêt de l’allaitement, sauf si la durée hebdomadaire du travail est inférieure à vingt heures. Une majorité des mères fait face, au cours des premières semaines, à des difficultés d’ordre technique (crevasses, prise du sein, engorgement ou insuffisance de lait), mal prises en charge par le milieu médical. La solution trop souvent préconisée consiste à arrêter l’allaitement. La formation des professionnels de santé est souvent insuffisante et le degré de compétence faible.


Des mesures d’information, d’éducation et de soutien sont indispensables

Le respect de la décision de la future maman n’exclut pas une information affirmant qu’allaiter c’est meilleur pour l’enfant et sa mère et représente une source de plaisir et de satisfaction. La question de l’allaitement doit être approfondie lors de la préparation à l’accouchement. Le père doit y être invité pour participer à la décision. La mère qui allaite doit pouvoir bénéficier d’un soutien bienveillant du personnel de la maternité et d’un soutien après la sortie, grâce au concours d’associations regroupant bénévoles et professionnels et des services de PMI. L’idéal serait de s’appuyer dans les maternités, les services de néonatologie et de PMI sur deux référents assurant un discours cohérent et consensuel (à partir de dépliants et manuels) comme le souhaitent les démarches d’accréditation. De nombreux exemples montrent l’efficacité des réseaux rassemblant différentes structures. Une coordination pourrait voir aussi le jour, permettant de promouvoir et de soutenir l’allaitement maternel par l’organisation de campagnes d’information (collèges, Iycées, femmes enceintes) et par un positionnement d’interlocuteur auprès des instances médicales et politiques. La promotion de l’allaitement maternel fait partie des neuf objectifs spécifiques du programme nutritionsanté (janvier 2001). Il faudrait faire en sorte que 100 % des femmes qui souhaitent après information allaiter puissent y parvenir pendant la durée de leur choix!

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