Pré adolescence: nouveau concept
Dans les services d’urgences hospitalières , on voit de plus en plus d’enfants de 10 à 13 ans, parfois dès l’âge de 8 ans, amenés pour agressivité à l’encontre d’autres enfants, d’enseignants ou de parents. Certains pratiquent des jeux dangereux, d’autres ont des déficits de l’attention avec ou sans hyperactivité. D’autres encore sont amenés pour prise de toxiques (cannabis ou parfois drogues plus dures), fugue ou tentative de suicide. Les parents sont décontenancés par ce refus des règles, par l’importance de l’opposition.
L’émergence de cette agitation précoce suscite des interrogations :
- est-ce une fin d’enfance difficile ?
- Une période qui précède l’adolescence ?
- Une entrée dans l’adolescence déjà ?
- Quelle est la responsabilité des parents ?
- Le rôle des valeurs sociétales
- La dimension culturelle ?
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Un colloque de l’AFAR (Action, Formation, Animation, Recherche) a permis de débattre de la pertinence de cette notion.
Les psychiatres apprennent traditionnellement qu’après la période d’agitation de l’enfance, un certain calme s’installe vers 5 ou 6 ans : c’est la « période de latence », qui permet à l’enfant de se concentrer sur les apprentissages. Les pédiatres nomment « pré-adolescents » ces 8 à 13 ans.
Contrairement à ce que l’on croyait jusque-là, cette période qui précède l’adolescence est loin d’être endormie. Car des enjeux majeurs pour l’enfant se mettent en place, ainsi que le relève le Dr Catherine Zittoun, pédopsychiatre à Neuilly-sur-Marne : « Ce qui émerge, c’est le plaisir de la découverte, de la liberté, quand on fait ses premiers pas seul dans la rue ; c’est l’heure des toutes premières discussions philosophiques avec les copains parce que pointe tout doucement la conscience réflexive. » De nouvelles manières de penser, de nouvelles émotions, et donc de nouveaux liens, ce qui n’est pas sans provoquer tout un remue-ménage intérieur.
Adolescence, bien plus longue que jadis
Ce concept ne fait pas vraiment l’unanimité. Mais une chose est sûre : la société prône un idéal d’épanouissement personnel et d’autonomie, que les adultes projettent de plus en plus tôt sur les enfants. On peut se demander si la disparition progressive de la période de latence n’est pas dans une certaine mesure, aussi causée par la surstimulation ambiante : jeux vidéo, images de toutes sortes et écrans divers excitent sans cesse leur esprit. Peut-être, du coup, empêche-t-on le calme de s’installer en eux. Et puis, la disponibilité parentale s’est réduite. Du coup, la tendance est d’associer les enfants à la vie adulte, comme par exemple lorsque les parents emmènent leurs enfants dîner avec eux chez des amis. Cela ne se faisait pas avant. Parfois même, on fait reposer sur les épaules de ces enfants des choix très difficiles, qui vont de « que veux-tu manger ce soir ? » à « veux-tu bien que ce monsieur vienne vivre à la maison avec maman et toi ? ». Ainsi ces préados se retrouvent coincés entre la revendication du choix et l’angoisse de la responsabilité que celui-ci entraîne nécessairement.
Autre certitude : la puberté est de plus en plus précoce
« L’âge moyen des premières règles était de 15 ans vers 1930, rappelle le Dr François Gouraud, pédiatre et chef de service au CH de Meaux. Aujourd’hui, il est de 12 ans et 5 mois chez les jeunes Françaises ; de 8 ans et 5 mois chez les Afro-Américaines aux États-Unis ! »
Dès lors, le temps pour acquérir les outils psychologiques permettant d’aborder le processus d’adolescence est beaucoup plus court.
Depuis une dizaine d’années, les chiffres sont en réelle augmentation. Tous les milieux socio-culturels sont touchés. Les études anglo-saxonnes montrent qu’aujourd’hui, 5% à 10% des 8 à 13 ans présentent des troubles oppositionnels, des troubles des conduites ou des déficits de l’attention. On manque de données françaises, mais on dispose d’indices : aux urgences du Kremlin-Bicêtre, par exemple, les consultations de pédopsychiatrie des 8-13 ans représentent 40% de l’activité de pédopsychiatrie des 0-18 ans. !
Quid des jeux dangereux ?
Ces jeux touchent toutes les écoles, dans les ZEP comme dans le 16ème ! Les classes les plus concernées sont le CM1 et le CM2, la 6ème et la 5ème. Ce peut être des jeux d’asphyxie ou des jeux d’agression, avec cette particularité que le même enfant est tantôt l’agresseur et tantôt la victime, selon les moments. Ces jeux mettent en lumière l’importance d’appartenir au groupe. Certains enfants fragiles s’engagent tout de suite dans ce type de comportements, tandis que d’autres, beaucoup moins fragiles, ne résistent pas à l’appel du « t’es pas cap ! ». Ces enfants n’ont pas tous vécu des traumatismes de la petite enfance. Certains n’ont pas de traumatismes avérés, hormis la construction d’une image d’eux-mêmes qui ne les satisfait pas. Les jeux dangereux répondent à une préoccupation pré-pubertaire, se réassurer, vérifier que son existence a une valeur, grâce à une ordalie du type “si j’ai survécu, c’est que je mérite de vivre”. Ils permettent aussi, face à un monde adulte perçu comme dangereux, et porteur d’une menace d’anéantissement, de se donner l’illusion de contrôler son existence et celle d’autrui. Hélène Romano, psychologue référente pour le ministère sur la question des jeux dangereux, conteste qu’il s’agisse de “jeux” puisqu’ils n’ont aucun enjeu, et qu’il ne faut les confondre ni avec des tentatives de suicide, ni avec des bagarres.
La prise en charge doit absolument associer les parents. Car il n’y a pas de travail possible auprès de l’enfant sans mobilisation des parents. Dans un second temps, quand on est parvenu à ne pas cibler cet enfant comme mauvais, à expliquer qu’il y a quelque chose à comprendre autour de la fragilité de l’estime de soi de cet enfant, qui le conduit à rechercher des sensations, il faut s’aider de professionnels : pédiatres, psychologues ou pédopsychiatres.
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