Comment l’enfant devient-il propre?

Plus que tout autre, ce sujet de conversation agace !

Pourtant tout paraît simple : il suffit de lui apprendre… disent les uns. Il suffit de le mettre sur le pot disent les autres… Eh bien NON : la propreté ne s’apprend pas ! Elle se découvre et se vit.

Il s’agit pour le petit enfant de réaliser le fonctionnement de son propre corps. Pas si simple !

Il sera propre quand il saura reconnaître la sensation d’avoir besoin d’aller à la selle ou d’uriner.

Cette prise de conscience surviendra un jour, soudainement, au cours de la deuxième année.

Alors que faire à 18 mois?

A 18 mois que sait-il de son corps ? Il voit des selles et des urines, Il prononce parfois les mots Caca ou pipi, mais il n’a pas encore découvert qu’elles viennent de lui. Il regarde et écoute ses parents, ils disent que c’est sale et que cela ne sent pas bon. Il est très loin encore du moment de la propreté.

Le mettre sur le pot à cet âge est inutile et totalement décalé par rapport à cette prise de conscience. Mais les amies et les grands-mères vous disent de le mettre souvent sur le pot, si souvent que parfois une selle tombe dans le pot ! Un coup de pot en somme.

Parfois aussi l’enfant fait pipi ou des selles dans le pot toujours à la même heure, on a créé un réflexe conditionné qui donne l’impression que tout et gagné. Il n’en est rien.

C’est ainsi que certains enfants sont décrits comme propre dès 18 mois, en fait il y a 5 « erreurs « par jour et l’on a déguisé la situation. Situation si fréquente !

Et pourquoi les mères déguisent-elle la situation, en proclamant leur enfant « propre » alors qu’il n’en est rien ? Simplement parcequ’ il est insupportable d’accepter l’idée que son enfant est « sale ». Question de mot. Question aussi d’obsession.

La propreté est le premier thème de fixation des obsessionnels : nous connaissons tous ces « maniaques » de la propreté qui ne raisonnent plus, mais suivent leur idée fixe en occupant tout leur temps avec des rituels de lavages… Epuisant. A éviter.

Votre bébé quitte le statut de nourrisson et devient petit enfant à 18 mois. Il souhaite vous entendre parler d’autre-chose que de couches. Plutôt des oiseaux qui chantent, des arbres qui poussent, de la voiture qui roule, de son papa qui travaille… Et toutes ces chansons que vous lui fredonnez. Mais de grâce pas de selles et de pipi : sujet agaçant et un peu nauséabond!

Que faire alors à 2 ans ?

Acheter un pot de chambre et le placer dans les toilettes. Et non pas dans le salon…

L’enfant le verra et se dira c’est ici que ça se passe. Comme pour ses frères et sœurs et ses parents. Le lieu où se trouve le pot indique le besoin de s’isoler dans les toilettes. La présence d’un tiers rend la chose impossible. Il faut vraiment être seul et en sécurité (porte contre ou fermée) pour faire ses selles ou ses urines.

Même les parents ne doivent pas s’inviter à cette scène intime et délicate qui se passe « où le roi va seul ».

Respectons l’intimité de ce petit de 2 ans. C’est justement à 2 ans qu’il découvre ses organes génitaux, et qu’il semble apercevoir d’où viennent les selles et les urines. Cela l’étonne un peu. Il est même préoccupé. Donc plus sensible aux mauvaises injonctions de réussite qui pourraient l’assaillir.

Il en est au début de la longue promenade de la découverte du corps. Elle dure toute la vie. Nul ne peut lui apprendre son corps. Il le découvre seul.

Bien sûr ses parents mettent des mots sur les parties du corps et cela aide beaucoup. Le langage reste la base sur laquelle l’expérience prend un sens. Mais les mots ne remplacent pas l’expérience personnelle du corps qui ne s’enseigne pas !

Point- clé de la question de la propreté : Certaines choses ne peuvent pas s’enseigner.

Le meilleur professeur ne peut enseigner la propreté, mais seulement les accessoires, le pot, le lieu, qu’il faut appeler maman après… Mais la sensation qui annonce les selles, seul l’enfant la vit puis la repère et enfin l’utilise à bonne fin.

L’erreur à éviter

S’imposer, enlever les couches en disant que les couches favorisent la paresse…Croire qu’il sait faire alors qu’il est encore trop petit. Le mettre en situation d’échec plusieurs fois par jour (quel stress !), ou le punir s’il fait dans sa culotte, ou même le récompenser s’il réussit.

L’erreur serait d’écouter les obsessionnels qui veulent éduquer à toux prix, alors que, cela ne s’enseigne pas, de même que les gestes de l’amour ne s’enseignent aucunement !

Dans la vie il y a trois expériences « sacrées ». La propreté, l’appétit et le goût, la sexualité. Ces expériences doivent être vécues, recrées par chacun de la façon la plus personnelle et la plus libre, sans professeur !

A 2 ans le langage se précise et l’enfant entend et intègre ce que l’on dit de la propreté autour de lui. Mais il faut éviter ce sujet de conversation (agaçant) et éviter que la conversation ne « tourne autour du pot ». Il y a tant de sujets plus passionnants ! Ainsi faisant, les stress et l’inquiétude de mal faire ne viendra pas interférer avec la prise progressive de conscience.

Pour faire des selles il faut être « détendu » et seul.

Jadis on mettait les enfants alignés au pied de leur lit le matin dans certaines pensions ou hôpitaux, avec l’ordre de déféquer ! Ces méthodes utilisées aussi en prison dans le passé sont parfaitement scandaleuses.

Une certaine paresse

Lorsqu’on laisse tranquille le petit de 2 ans, il est moins soucieux de faire plaisir à ses parents, moins angoissé. La prise de conscience du corps peut alors se faire calmement et en son temps.

Du jour au lendemain Ô surprise ! Il vous demande le pot, ou bien dit « Pipi !… » avant de le faire, et vous proposez le pot. Tout d’un coup ça marche et après 3 ou 4 jours on décide d’enlever les couches. Et tout est joué. Ce jour survient toujours après une phase de silence (ou d’abandon) pendant laquelle les parents ont « lâché » ce soucis et parlé d’autre chose. L’excès de pression inhibe la prise de conscience et retarde le jour de la propreté. La propreté ne peut venir que de lui.

Il faut attendre 3 jours de succès pour enlever les couches.

Par la suite une « erreur » de temps en temps ne nous préoccupe pas.

Il n’y a pas de paresse chez l’enfant de 2 ans et demi qui n’est pas encore capable de…

De même il n’y a aucune paresse chez des parents qui laissent grandir leur enfant sans le soumettre à une pression inutile. Car la pression « éducative » sur la propreté est toujours néfaste et stressante car ce thème particulier concerne l’intérieur du corps.

Lui ficher la paix, c’est respecter son développement, lui laisser le temps de mûrir, et respecter son corps.

A l’école la maîtresse dit que s’il n’est pas propre elle ne le prend pas !

Et puis « ma mère » m’a dit que moi j’étais propre dés 2 ans, alors qu’est-ce que je rate ? Que dois-je faire ?

Justement vous n’êtes pas maître du jour d’acquisition de la propreté de votre enfant : c’est justement pourquoi l’on vous tance avec perversité en vous reprochant de ne pas l’être !

Ce défaut de maîtrise est insupportable pour celui qui croit que tout s’enseigne : On peut apprendre à lire, à écrire, à mettre ses 2 mains sur la table, mais on devient propre !

Il est anormal que l’école prétende refuser les enfants de 3 ans qui tardent à devenir propre. Quand on est professeur, on prend l’enfant entier tel qu’il est, on s’adapte à lui, dans le respect de la différence, pour qu’il entre dans une relation positive, condition de base à tout enseignement.

Alors si votre petit de 3 ans a des ratées…un pull-up discret dans le pantalon et le tour est joué. Tout le monde à cet âge peut avoir un incident. Surtout, ne le punissez pas en le privant de ses copains. Envoyez-le en classe maternelle comme prévu !

La propreté est bien un sujet délicat et intime, personnel, où l’on évitera soigneusement de vouloir tout maitriser.

Dr Alain BROCHARD

Pédiatre à Strasbourg