Les grands prématurés: que faudra-t-il surveiller chez eux en grandissant?

Un grand prématuré, né avant 32 semaines de gestation

On le sait, passé le cap de la naissance, avec tous les risques de type infections, digestifs, chirurgicaux, courbes de poids, neurologiques, les prématurés et en particulier les grands prématurés (nés avant 32 semaines de gestation), devront être suivis sur un certain nombre de plans.

Je ne parle pas ici du développement et des acquisitions cognitives ou des éventuelles atteintes neurologiques, ni de la surveillance attentionnée de la vision et de l’audition, mais il est un point qui est particulier, c’est l’appareil respiratoire.

La prématurité, définie par une naissance survenant avant 37 semaines d’aménorrhée (SA), concerne environ 7,5 % des naissances en France.

On définit les nouveau-nés grands prématurés quand la naissance se produit avant 32 SA et on distingue les nouveau-nés extrêmes prématurés en cas de naissance avant 28 SA.

Ces enfants représentent respectivement 15 et 5 % des naissances prématurées, soit 9 000 et 3 000 naissances par an en France. Les progrès de la réanimation néonatale permettent aujourd’hui la survie d’un grand nombre de ces nouveau-nés, y compris ceux nés aux limites de la viabilité (22-25 SA).

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Bronchiolites? Asthme? Que faut-il suivre chez eux?

Les anciens prématurés forment un groupe d’enfants à risque de troubles neuro-développementaux [TND]. Afin qu’ils puissent bénéficier d’un dépistage rapide de ces TND et d’interventions précoces il est préconisé de les inscrire dans des programmes de suivi des nourrissons à haut risque aux USA, des réseaux de suivi des enfants vulnérables en France. En pratique, ces programmes et ces réseaux enrôlent surtout les grands prématurés, ce qui fait que la majorité des prématurés est suivie par des médecins libéraux. Le rapport clinique de l’American Academy of Pediatrics propose un panorama des TND des prématurés et formule des recommandations à l’intention de ces médecins.

La paralysie cérébrale, le déficit intellectuel, la cécité et la surdité sont les quatre grands TND des prématurés. En recherche clinique, le critère de jugement des TND à 2 ans d’âge corrigé combine des scores de Bayley (BSID-3) cognitif et de motricité globale < 70, un niveau ≥ 2 à la Gross Motor Function Classification Scale (avec ou sans paralysie cérébrale modérée à sévère), une cécité bilatérale et une surdité sévère (perte auditive bilatérale > 40 dB). On peut rajouter les troubles du spectre autistique [TSA] et le strabisme

En effet, ce sont des enfants qui, en grandissant, sont davantage susceptibles de développer aussi des bronchiolites, par exemple.

Plus tard, à l’âge scolaire, c’est de l’asthme qui peut apparaître, plus souvent que chez les enfants nés à terme.

Il faut surveiller, anticiper. Pour prévenir.

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Toujours mieux d’anticiper

Il y a deux sortes de prématurés en ce qui concerne l’avenir pulmonaire:

  • ceux qui ont eu des problèmes respiratoires sérieux dès la naissance, avec besoin d’être ventilés, insuffisance respiratoire prolongée due à l’immaturité de leurs poumons, et installation de ce qu’on appelle comme séquelle la dysplasie broncho-pulmonaire. Ceux-là, à l’âge scolaire, ont 2,5 fois plus souvent d’asthme que les autres enfants. Ceci est dû au fait qu’ils ont moins d’alvéoles (là où se font les échanges gazeux) et des voies pulmonaires (les tuyaux où passe l’air) trop petites.
  • ceux qui n’ont pas eu de problème à la naissance, mais qui peuvent développer des bronchiolites, parfois plus souvent que les enfants nés à terme, en particulier en rapport avec un capital de défense contre les infections abaissé.

Une fois plus grands, des séances de kinésithérapie peuvent encore être induites pour améliorer les capacités respiratoires, afin d’améliorer leurs performances.

L’idéal est de faire dès l’âge de 4 ans une évaluation respiratoire précise chez les anciens prématurés, même ceux qui ne se plaignent de rien, afin d’anticiper et optimiser très tôt leur fonction respiratoire. Puis les revoir ensuite vers l’âge de 8-9 ans.

Stratégies d’alimentation chez les anciens grands prématurés : accélération de l’alimentation entérale

La prise en charge des grands prématurés nécessite dès la naissance un apport nutritionnel continu par voie parentérale (par voie veineuse, cathéter par exemple).

En complément et très rapidement, une alimentation entérale ( par la bouche) va être débutée et augmentée progressivement quotidiennement jusqu’à permettre l’arrêt de la parentérale. Jusqu’à peu, des données observationnelles semblaient montrer que la progression lente des quantités de lait réduisait le risque d’entérocolites ulcéro-nécrosantes (ECUN).

Ce résultat, à prendre avec précaution compte tenu de l’échantillon très faible, souligne l’importance du lait maternel dans l’alimentation de cette population de grands prématurés. La publication de ces résultats autorise une progression plus rapide de l’alimentation entérale, réduisant ainsi la durée des cathéters et des perfusions.

Et le peau à peau?

En France, la présence des parents dans les unités de soins intensifs de néonatologie (NICU) est le plus souvent possible 24 h/24, mais leur temps de présence reste limité par l’absence d’aménagements type chambre familiale. La mise à disposition de telles structures, selon le modèle proposé par certains pays du nord de l’Europe, est une perspective qui paraît importante à intégrer lors de la conception de futures unités prenant en charge les grands prématurés .

La survie des extrêmes prématurés est extrêmement variable en Europe

La survie des prématurés considérés globalement dépend en premier lieu de leur âge gestationnel [AG]. Chez les extrêmes prématurés [EP], nés avant 27 semaines d’aménorrhée, elle dépend aussi du pays et du centre de naissance. L’étude épidémiologique d’AS Morgan et coll. décrit les différences de survie qui existaient il y a un peu plus d’une dizaine d’années entre les EP de trois pays européens, la France, l’Angleterre et la Suède (1).

Cette étude compare la survie à 16 sem. (ou 112 jours) des nouveau-nés de 22 à 26 sem. inclus dans 3 cohortes nationales : EPIPAGE-2 (France, 2011), EPICure-2 (Angleterre, 2006), et EXPRESS (Suède, 2004-2007), en stratifiant sur l’AG.

Les populations de base sont constituées par les fœtus vivants à l’entrée en salle d’accouchement : 1 359 dans EPIPAGE-2, 2 310 dans EPICure-2, et 769 dans EXPRESS.

Taux de survie moindre en France, meilleur en Suède

A 16 sem. la survie des EP français est inférieure à celles des EP anglais et des EP suédois. Dans la cohorte française, les taux de survie, rapportés aux nombres de fœtus vivants, sont de 0,5 % à 22-23 sem. (2 survivants sur 366 fœtus), 23,6 % à 24 sem., 56,9 % à 25 sem., et 74,4 % à 26 sem., alors qu’ils sont aux mêmes AG de 10,8 %, 40,0 %, 64,8 % et 77,1 % dans la cohorte anglaise, et de 28,2 %, 68,5 %, 80,5 %, et 86,6 % dans la cohorte suédoise.

Les différences de survie entre les cohortes se créent en grande partie lors de l’accouchement et de la naissance, mais elles continuent à augmenter au-delà des premiers jours de vie, sauf à 26 sem. Les courbes de survie de Kaplan-Meir ayant comme origines les EP vivants à différents âges, de l’entrée en salle d’accouchement à J28, sont encore significativement différentes entre les trois groupes d’EP de 24 sem. vivants à J7 (p <0005) et à J 28 (p <0,005), et entre les trois groupes d’EP de 25 sem. vivants à J7 (p <0,0005), les courbes de survie suédoises étant les plus hautes.

De l’accouchement à J28 les EP français et les EP anglais ont des risques de décès à 16 sem. plus élevés que ceux des EP suédois. Les Hazard Ratio de décès des EP français et des EP anglais, calculés dans des régressions de Cox, sont augmentés par rapport aux EP suédois d’AG et de temps de survie identiques, quoiqu’ils aient tendance à diminuer quand on s’éloigne de la naissance. En général, ils sont peu modifiés par un ajustement par des caractéristiques maternelles et fœtales.

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