Lavages de nez chez les enfants

Le nez ne se lave pas au Karcher ! Faut-il revenir ici sur le nez, les rhumes et leurs traitements aujourd’hui ? A en juger par ce que vivent les petits enfants soumis aux cruels lavages de nez infligés par ceux qui appliquent à la lettre les notices d’emploi de certains sérums physiologiques : oui !

STOP ! Il faut absolument cesser de noyer les bébés dans le sérum physiologique injecté en excès (10 ml) dans les narines ! Je dis bien: en excès!

Ce traitement de choc est beaucoup trop violent et inutile la plupart du temps !

Comment?

Il court partout une méthode énergique qui consiste à coucher l’enfant sur le côté et à lui injecter 10 ml de sérum physiologique dans une narine jusqu’à obtenir qu’il ressorte par l’autre narine ! Ceci tient de la torture ! C’est le supplice de l’eau !

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Pourquoi ?

1. Le nez est petit chez les bébés et ses narines étroites. Il ne respire que par le nez et non par la bouche, même si elle est ouverte. Si l’on bouche les narines d’un nouveau-né il étouffe! Si l’on injecte du liquide en quantité dans les narines il se noie car il inhale le liquide dans ses bronches et doit tousser fort pour survivre…

2. Le petit nourrisson est malhabile avec sa déglutition comme avec ses mains. Si du liquide arrive dans le naso-pharynx, il passe dans la trachée; l’enfant tousse et avale de travers : ce qu’on appelle une fausse route. Faudrait-il agresser autant le bébé pour laver son nez ?

3. Le nez est un organe fragile. A la frontière entre l’extérieur et l’intérieur il joue son rôle de filtre, d’humidificateur de l’air inspiré, et aussi d’organe de l’olfaction. Il protège les bronches et les poumons des microbes et des impuretés, il est revêtu d’un épithélium sensible, semblable à celui de l’ensemble de l’arbre respiratoire. Il abrite les cornets. Ces cornets sont de fragiles petits replis cartilagineux en forme d’auvent protégeant l’entrée des futurs sinus maxillaires (qui ne s’ouvriront que bien plus tard, 3 ans pour les maxillaires, 6 ans pour les frontaux). Ils font saillie dans la fosse nasale et seront irrités par tout corps solide introduit dans le nez.

De plus la cloison nasale, recouverte de vaisseaux sanguins saigne très facilement dés qu’on vient au contact. Raisons de plus pour n’introduire dans le nez aucun corps solide. Nous-mêmes, néonatologistes, avons réduit depuis longtemps les aspirations nasales des nouveaux nés aux seuls cas où c’est nécessaire évitant ainsi des spasmes laryngés néonatal! Car en effet il y a une zone reflexogène qui, si on l’agresse trop, peut provoquer un blocage momentané de la respiration.

4. Le nez est proche du cerveau. Les nerfs de l’olfaction traversent la lame criblée de l’ethmoïde venant directement du rhinencéphale sus-jacent. Les réactions aux gestes intempestifs dans les narines peuvent entraîner des réflexes de défenses et des réactions vagales ainsi que des spasmes laryngés. Il n’y a qu’à observer le comportement « affolé » des bébés soumis aux lavages de nez excessifs.

5. Le nez enfin est un orifice du corps. Il est excessivement sensible. Toute intrusion est mal venue, quelque soit l’orifice. L’enfant dés la naissance réagit très mal à tout geste intrusif qu’il ressent comme une agression. Quelles séquelles le bébé en gardera-t-il dans son subconscient?

J’affirme que l’on doit respecter TOUS les orifices des bébés : pas de nettoyage d’oreille, ni de suppo (sauf si nécessaire), ni de thermomètre rectal de manière intempestive, ni d’écouvillonnage des narines, ni de grand lavage de nez, ni d’intrusion forcée de la cuiller dans la bouche !

Les Anglais nous regardent de haut, nous les français qui mettons des suppos sans arrêt aux enfants ! Les pédiatres en regardant les oreilles observent les dégâts que font les cotons-tiges, surtout s’ils sont maniés par un obsessionnel de la propreté ! Le thermomètre à infra rouges frontal de bonne marque ( par exemple visiofocus mais je ne cherche pas à faire de publicité) que l’on dirige sur le front est largement suffisant dès l’âge de 3 mois. Le conduit auditif se nettoie tout seul en sortant le cérumen que l’on cueille à la sortie avec le doigt coiffé d’un papier. Avant un an, le thermomètre rectal peut être utilisé de manière prudente et espacée.

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Quels risques ?

On sait bien que le nez filtre l’air, retient les microbes, causes d’otites ou de bronchites. Plus que le nez, les végétations sont en cause. Les végétations sont des organes de défense situés en arrière du nez, les germes s’y trouvent piégés et peuvent entraîner leur gonflement. Elles se mettent alors à distribuer des microbes et à obstruer les trompes d’Eustache, source d’otites aigues ou d’otites séro-muqueuses.

Le nez est volontiers porteur de germes, les mêmes justement que l’on retrouve dans l’oreille : pneumocoque, haemophilus influenzae…D’où l’idée tenace de laver le nez !

Les nez bouchés ou enrhumés obligent à respirer par la bouche, ce que les petits ne savent pas faire. Il faut donc prendre au sérieux les rhinites purulentes des nouveau-nés en les traitant, faute de quoi les risques respiratoires sont réels. Mais surtout pas de grand lavage de nez !

Pour les plus grands (1 an et plus) la respiration buccale est possible (par effacement de la langue) et l’enfant se débrouille mieux en cas de rhume car il apprend à se moucher ou à renifler.

Le nez, rappelons-le, coule tantôt en avant, imposant le mouchage doux dans du papier. Tantôt en arrière, provoquant la toux grasse, espacée toutes les 2 ou 3 heures, à prédominance nocturne et matinale : la fameuse « toux du rhume » bien connue des parents d’enfants en crèche. Cette toux est sans gravité et ne se traite pas. Tout au plus ui donner du sirop d’agave, ça marche bien.

Il y a deux sortes d’enfant (et d’adultes), ceux qui respirent spontanément par le nez (bouche fermée) et ceux qui respirent naturellement par la bouche (bouche entr’ouverte). Il n’y a aucune raison d’imposer tel ou tel mode respiratoire, les deux modes étant possibles et sans danger. Evitons les rééducations contraignantes que certains proposent inutilement.

Que faire alors ? Cela dépend de l’âge

1. Chez le bébé de moins de 6 mois : Faire des instillations douces de sérum pulvérisé (fines gouttelettes qui ressemblent à une nébulisation) dans les narines, une narine à la fois (ACTUELLEMENT ON CONSEILLE DE NE FAIRE QU’UNE SEULE NARINE, FAIRE L’AUTRE QUELQUES HEURES APRÈS ET AINSI DE SUITE), en laissant du temps à l’enfant entre les 2 narines, pour se dégager et reprendre sa respiration! Ou bien quelques gouttes de sérum physio dans une narine du bébé couché sur le dos. Puis après un moment, même chose dans l’autre narine. Le laisser reprendre son souffle en le penchant en avant à chaque fois.

2. Entre 6 et 12 mois : Les lavages de nez avec un pulvérisateur sont possibles et utiles. 2 ou 3 fois par jour en gardant de la douceur et sans forte pression.

3. Au-delà de 12 mois l’enfant commence à apprendre à souffler en se mouchant dans du papier. Il prend de l’âge et de la force pour renifler et se dégager le nez spontanément. Les lavages de nez deviennent de moins en moins utiles.

4. Humidifier l’atmosphère : l’air est beaucoup trop sec dans les chambres chauffées. Ouvrir en grand les fenêtres pour aérer : ceci est essentiel ! l’air extérieur frais et humide étant beaucoup plus favorable que l’air intérieur, l’idéal est de sortir l’enfant. Une sortie vaut tous les lavages de nez ! Un humidificateur (UTILISEZ PLUS VOLONTIERS UN HUMIDIFICATEUR A VAPEUR FROIDE) branché sur le courant est une bonne option (avec réservoir d’eau). L’idéal est d’avoir un taux de saturation dans sa chambre compris entre 55 et 65%.

5. Eviter sirop et suppo incongrus et inutiles sauf cas particuliers. Eventuellement on peut utiliser les balsamiques, quelques gouttes aux huiles essentielles (attention certaines ne peuvent être utilisées avant l’âge de 12 ans, faites vous conseiller) sur le drap du lit, ou les diffuser dans l’air avec un humidificateur.

6. Les antibiotiques sont rarement nécessaires en cas de rhinite purulente.

7. Par contre ils s’imposent en cas d’otite aigue avec douleur et fièvre, ou lors des poussées douloureuses d’otite séro-muqueuse. Le pédiatre ou l’ORL choisira le médicament adapté et associera parfois la cortisone en traitement court, qui apporte souvent une belle et rapide amélioration des douleurs et de l’audition.

8. L’opération des végétations (adénoïdectomie) est indiquée si les otites se répètent plus de 4 fois de suite, ou s’il existe un syndrome d’apnée du sommeil, ou si l’otite séro-muqueuse entraîne une hypoacousie prolongée (baisse de l’audition). Dans ce dernier cas la pose d’aérateurs trans-tympanique sera envisagée avec l’ORL.

Gardons à l’esprit que les notices d’emploi des dosettes de sérum physiologiques ne font pas loi, qu’il faut raison garder et que seul importe le respect du nez des bébés, mais aussi des enfants plus grands. Votre enfant vous en sera reconnaissant !

Docteur Alain Brochard, pédiatre. 2010

Confrère hélas qui nous a quitté il y a quelques années…

C’était un ami et un précieux confrère.

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