Y a-t-il des prédispositions génétiques aux cancers de l’enfant ? Mieux informer les patients, les proches

Taux de survie moyen de 83%

Chaque année sont diagnostiqués 2 200 cancers chez des enfants âgés de 0 à 17 ans. Si les progrès de la recherche ont permis de faire augmenter le taux de survie à 5 ans, qui est désormais en moyenne de 83 %, il n’existe pas encore de traitement efficace pour tous les types de cancers et ce sont chaque année 500 enfants et adolescents qui sont emportés par leur tumeur. Le cancer est ainsi la 1ère cause de décès par maladie chez les enfants de plus de 1 an. Par ailleurs, deux tiers des enfants gardent des séquelles définitives de leurs traitements. L’objectif n’est donc pas seulement de « guérir plus » mais aussi de « mieux guérir » selon les termes la Ligue contre le Cancer.

Les cancers de l’enfant sont rares. On retient aujourd’hui qu’ils surviennent dans un contexte de prédisposition dans près de 10 % des cas. L’histoire familiale, le jeune âge au diagnostic, l’atteinte multiples et des signes associés orientent vers une prédisposition mais sont souvent insuffisants. Dans un certain nombre de cas la seule localisation tumorale constitue une indication de consultation de génétique. Le séquençage très haut débit augmente les capacités diagnostiques tant du point de vue du nombre de tests prescrits que du nombre de gènes étudiés, et permet la détection chez l’enfant de prédisposions à l’état mosaïque. Son utilisation tumorale dans la perspective de la détection d’une cible thérapeutique constitue une autre porte d’entrée dans le diagnostic de prédisposition. L’information des parents en amont des tests est un enjeu majeur.

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Cinq espaces pour cinq publics

A l’occasion de la journée internationale du cancer de l’enfant, l’Institut national du cancer (INCa) souhaite mettre l’accent sur une meilleure information du public sur les cancers pédiatriques. Avec l’aide des associations Grandir sans cancer, Gravir et UNAPECLE, avec qui il forme la « Task force Pédiatrie », l’INCa met en ligne ce mardi le site pediatrie.e-cancer.fr, le premier site entièrement consacré au cancer chez l’enfant.

Introduction

Avec 1 800 diagnostics de cancer par an en France chez les enfants de moins de 15 ans, représentant 0,4 % de l’ensemble des diagnostics, les cancers pédiatriques sont rares(1). Un enfant sur 500 est ou aura été atteint d’un cancer avant l’âge de 15 ans. Si certains éléments orientent d’emblée vers une prédisposition génétique, il faut aujourd’hui s’interroger devant tout diagnostic de cancer de l’enfant sur l’existence d’une prédisposition. Ce diagnostic chez l’enfant atteint peut conduire à des mesures de prévention d’un second cancer, voire à une adaptation de son traitement. L’identification d’un facteur de prédisposition peut également conduire à proposer des tests chez les apparentés et à recommander une prise en charge préventive pour les apparentés qui s’avèreraient à risque.

Article écrit par Marion GAUTHIER-VILLARS, Dominique STOPPA-LYONNET* – Service de génétique, Institut Curie ; Université Paris-Descartes, Unité INSERM U830*, Paris Publié dans PédiatriePratique février 2018

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Éléments d’orientation et indications de consultation génétique

La majorité des facteurs génétiques de prédisposition aux cancers de l’enfant identifiés à l’heure actuelle suivent un modèle de transmission mendélienne (monogénique), le plus souvent dominant (monoallélique) et associé à un risque élevé de cancers d’une ou de plusieurs localisations selon la prédisposition considérée. Près d’une quarantaine de prédispositions ont été individualisées(2). Le corollaire de la transmission dominante est que l’un des deux parents de l’enfant prédisposé est lui-même porteur de ce trait génétique et a été atteint enfant ou jeune adulte. Les exemples type en sont la polypose adénomateuse familiale (PAF) et la prédisposition au rétinoblastome.

En dehors d’une histoire familiale évocatrice, il y a des éléments d’orientation qui doivent conduire à évoquer une prédisposition :
– l’âge précoce du diagnostic par rapport à l’âge moyen de survenue ;
– le diagnostic de plusieurs tumeurs primitives chez un même enfant ;
– le diagnostic de cancers à un âge jeune chez les apparentés, de premier ou de second degré ;
– des anomalies du développement, un retard staturo-pondéral, un retard mental, un déficit immunitaire ou une intolérance à la chimio et à la radiothérapie.

Ces signes, avec d’autres, peuvent orienter vers le diagnostic de maladies rares de la réparation de l’ADN comme l’ataxietélangiectasie, la maladie de Fanconi, le syndrome de Bloom. Notons que certaines anomalies de la réparation comme le syndrome CMMRD (Constitutional MisMatch Repair Deficiency), en dehors de taches café-au-lait inconstantes, n’ont pas de signes associés. Ces maladies de la réparation de l’ADN sont le plus souvent transmises selon le mode récessif : aucun des parents n’est atteint mais un frère ou une sœur peuvent l’être.

Dans certains cas donc, alors que l’enfant est bien porteur d’une prédisposition obéissant à un modèle dominant, aucun de ses parents n’a été atteint. Il s’agit le plus souvent de situations résultant de néomutations apparues dans les gamètes de l’un des deux parents, voire très tôt après la conception. Ce sont alors des mutations post-zygotiques et les enfants peuvent être porteurs d’une prédisposition à l’état mosaïque. Les nouvelles techniques de séquençage, séquençage (très haut débit ou NGS) permettent de repérer les variants présents à l’état mosaïque – situation dont la fréquence est aujourd’hui sous-estimée. Concernant la PAF, le taux de néomutation chez les enfants atteints est estimé à 10 % : ils n’ont pas d’histoire familiale de PAF mais auront un risque sur deux de transmettre ce trait génétique à leur descendance. Concernant le rétinoblastome, 50 % des enfants sont prédisposés. Dans 25 % des cas, ils ont hérité d’une altération du gène RB1 et dans 75 % des cas, il s’agit d’une néomutation. Une étude récente a examiné la prévalence des prédispositions génétiques parmi plus de mille enfants et adolescents atteints de cancer, non sélectionnés sur leur histoire familiale ou leur âge au diagnostic(3). Soixante gènes associés à une prédisposition ont été séquencés par une approche de très haut débit ; une altération clairement pathogénique a été identifiée chez 8,5 % d’entre eux. Dans seulement 22 % des cas pour lesquels l’histoire familiale était disponible, celle-ci était évocatrice de la prédisposition associée au gène identifié ; soulignant ainsi que, si l’histoire familiale peut être dans certains cas très spécifique (un parent atteint de rétinoblastome d’un enfant également atteint signe la prédisposition), elle n’est pas un marqueur sensible de prédisposition (75 % des enfants pourtant prédisposés au rétinoblastome n’ont pas d’apparenté atteint). C’est pourquoi pour des localisations tumorales que l’on sait associées à certaines prédispositions, l’indication de test génétique, et par là de consultation génétique, repose seulement sur des critères individuels : rétinoblastome, corticosurrénalocarcinome, etc. L’indication de test est parfois en cours de discussion comme pour les différentes classes de médulloblastome. Les indications actuelles de consultation sont résumées dans le tableau.

La consultation génétique

La consultation génétique permet d’informer les parents et les grands enfants sur les enjeux de ces études. Les enjeux concernent l’enfant atteint et ses apparentés, en particulier sa fratrie, et à l’âge adulte sa descendance. Les études génétiques, recherchant un caractère constitutionnel sont réalisées à partir d’un prélèvement de sang, d’un frottis jugal ou plus rarement d’une biopsie de peau (enfant atteint de maladie de Fanconi) et après la signature d’un consentement éclairé de la part des parents.

Les enjeux pour l’enfant atteint

L’identification d’une prédisposition permet d’adapter la surveillance et parfois d’adapter le traitement. À titre d’exemple, l’identification d’une altération du gène TP53 conduit à limiter, dans la mesure du possible, les indications de radiothérapie en raison du risque élevé de tumeur secondaire radio-induite. Lorsqu’il y a un enjeu thérapeutique, consultation et test doivent être proposés dans les meilleurs délais et les résultats obtenus rapidement. Le diagnostic de prédisposition peut révéler des risques tumoraux associés. Ces risques guident les recommandations de surveillance, recommandations définies en fonction de l’âge. Prenons pour autre exemple, celui de l’identification d’une altération constitutionnelle du gène APC chez un jeune enfant atteint d’hépatoblastome. Elle doit conduire à une surveillance par coloscopie dès l’âge de 11 ans et à l’indication de colectomie lors de l’apparition de la polypose. Un workshop récent sous l’égide de l’American Association for Cancer Research a proposé des recommandations de prise en charge internationales pour les différentes prédispositions aux cancers de l’enfant(4)(http://clincancerres.aacrjournals.org/pediatricseries). Ces recommandations sont naturellement susceptibles d’évoluer. La pérennité de l’information au décours du diagnostic et du traitement de l’enfant est indispensable. Trop souvent, nous voyons encore de jeunes parents ayant eu un rétinoblastome dans l’enfance arriver avec un enfant atteint. Ils n’étaient pas informés du risque pour leur descendance. Il est ainsi important d’adresser le patient, devenu adolescent ou jeune adulte, en consultation génétique pour l’informer des options dont il dispose pour son propre projet parental.

Les enjeux familiaux

L’identification d’une prédisposition génétique chez un enfant conduit à s’interroger sur le risque de prédisposition des apparentés. Il faut souligner que dans certains cas, le seul enjeu immédiat d’un test chez un enfant atteint est de guider la prise en charge de sa fratrie. En effet, l’identification d’une altération génétique donnée chez un enfant atteint permet de proposer un test ciblé. Le résultat négatif permet alors de rassurer le frère ou la sœur testé. Prenons à nouveau l’exemple du rétinoblastome avec l’identification d’une altération du gène RB1 chez un enfant atteint. Il permet de libérer son frère ou sa sœur, qui s’avèreraient non porteur, d’une surveillance astreignante mensuelle du fond d’œil sous anesthésie générale. En effet, sans l’identification de l’altération génétique retenue comme responsable du sur-risque tumoral chez l’enfant atteint, ces tests ciblés ne sont pas possibles. Cette démarche de test doit être proposée si des mesures assurant un diagnostic précoce ou une diminution du risque tumoral sont possibles(4). Rappelons que les lois de bioéthique de 2004 et 2011 enjoignent les personnes qui se savent porteuses d’une « anomalie génétique associée à une maladie grave pour laquelle des mesures de soin ou de prévention peuvent être mises en œuvre » à en informer leurs apparentés potentiellement con cernés. Ici, ce sont les parents de l’enfant qui devront informer leurs apparentés de la disponibilité d’un test génétique. Notons que c’est lors de la consultation de consentement, en amont de tout diagnostic de prédisposition, que les parents de l’enfant doivent être informés de l’obligation d’information de la parentèle et doivent anticiper la façon (directe ou indirecte) dont ils vont informer leurs proches. Dans le cadre d’un projet parental, en particulier pour un couple dont l’un des deux membres est porteur d’une prédisposition, l’importance du risque tumoral, la gravité de l’atteinte, la lourdeur des traitements et les limites des mesures de prévention conduisent à discuter les options du diagnostic préimplantatoire (DPI), du diagnostic prénatal (DPN) et ainsi de l’interruption médicale de grossesse (IMG) lorsque le fœtus est atteint. La recevabilité de demande de DPI, de DPN et d’IMG est examinée par les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN). Ceux-ci sont guidés par un rapport réalisé à la demande de l’Agence de biomédecine et de l’institut national du cancer et intitulé : « Diagnostic prénatal, interruption médicale de grossesse et formes héréditaires de cancers » (www.e-cancer.fr ; www.agence-biomedecine.fr).

Conclusion et perspectives

Le séquençage très haut débit, ou NGS, est une technologie de rupture qui permet d’augmenter d’un facteur 100 000 les capacités de séquençage des laboratoires et ainsi d’étudier à la fois un très grand nombre de patients et un très grand nombre de gènes, ou d’étudier leur exome (ensemble des parties codantes de tous les gènes), voire leur génome entier. Des stratégies d’analyse en panel de gènes se développent en routine diagnostique : un ensemble de gènes associés, par exemple, aux tu meurs pédiatriques. Le NGS est également une méthode quantitative de séquençage : il permet de repérer les situations mosaïques, d’identifier un plus grand nombre d’enfants atteints prédisposés mais aussi de rassurer sa fratrie et d’être vigilant pour sa future descendance. Le NGS va permettre d’identifier de nouveaux facteurs génétiques de risque, facteurs mendéliens et facteurs de susceptibilité, ces derniers pouvant être modificateurs de risques liés aux premiers.

Enfin, le NGS trouve aussi des applications dans les études tumorales qui ont pour vocation l’identification de facteurs pronostiques et de cibles thérapeutiques. Dans un certain nombre de cas, ces études, bien que tumorales, mettront en évidence des mutations constitutionnelles. L’étude tumorale à visée thérapeutique sera alors une nouvelle porte d’entrée dans le diagnostic de prédisposition. La diffusion du NGS appliqué à l’étude de l’ADN constitutionnel, de la tumeur et l’augmentation des connaissances vont très probablement conduire à la proposition de tests de prédisposition à tous les enfants atteints de cancer. Il faut s’en réjouir car l’enjeu est une meilleure prise en charge de l’enfant et de ses apparentés. Il faut en même temps rester prudent et toujours s’interroger sur la corrélation entre un variant identifié et sa valeur prédictive. Si le séquençage est devenu simple, l’interprétation biologique et clinique de variants délétères d’un gène inattendu, au regard du tableau clinique ou de variants de signification inconnue d’un gène attendu, est difficile. La réalisation de ces tests génétiques, qu’ils soient constitutionnels ou tumoraux, doit être guidée selon deux principes : leur qualité, tant sur le plan technique que celui de l’interprétation, et l’information des parents sur leurs implications en amont de toute réalisation.

.Article écrit par Marion GAUTHIER-VILLARS, Dominique STOPPA-LYONNET* – Service de génétique, Institut Curie ; Université Paris-Descartes, Unité INSERM U830*, Paris Publié dans PédiatriePratique février 2018

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Les 3 livres écrits par le Docteur Arnault Pfersdorff, fondateur de pediatre-online, édités chez Hachette-Famille
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