Vaccinations des enfants atteints de maladie chronique (diabète, néphropathies, mucoviscidose, convulsions, etc) vaccins

L’élaboration d’un calendrier vaccinal, et plus généralement les recommandations vaccinales, s’adressent avant tout aux sujets en bonne santé. Chez les sujets atteints de maladie chronique, il apparaît légitime pour chaque vaccination de s’interroger sur son utilité, ses risques éventuels, et le rapport bénéfice-risque pour le patient concerné.

vaccination-1215279_640Chez un patient ayant une maladie chronique, les risques potentiels des vaccinations sont, d’une part les risques des vaccins vivants chez les patients immunodéficients (du fait de leur maladie ou de leur traitement) et, d’autre part, le risque d’exacerbation d’une pathologie sous-jacente. En revanche, le bénéfice potentiel d’une vaccination est fonction :

  • de l’immunité existante; ainsi, il est inutile de la faire si le sujet est immun du fait d’une exposition à la maladie naturelle ou par vaccination préalable;
  • du risque d’exposition à l’agent pathogène, fonction de l’épidémiologie mais aussi d’éventuelles alternatives de prévention;
  • de la sévérité de l’infection considérée, en tenant compte de la maladie chronique;
  • de la capacité du patient à induire des réponses protectrices.

Principes généraux

Les vaccins vivants
Les vaccins vivants contre-indiqués chez les patients « immuno » déficients sont le BCG, les vaccins contre la rougeole, les oreillons, la rubéole, la varicelle, la fièvre jaune et le vaccin antipoliomyélitique oral. Cependant, certains d’entre eux peuvent être effectués, soit dans le cadre de protocoles spécifiques (comme le vaccin antivaricelleux chez les sujets séronégatifs atteints de leucose), soit chez les enfants infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (SIDA) avant d’être profondément immunodéprimés.

Le risque d’exacerbation
Le risque d’exacerbation est fréquemment évoqué chez les patients ayant une maladie chronique, particulièrement si elle comporte un caractère immunologique. En effet, certaines réactions vaccinales indésirables sont clairement de nature immunologique, l’antigène jouant le rôle de déclencheur d’une réaction de type vascularite (arthrite, uvéite, éruption).

La quantité d’antigène vaccinal étant très limitée, ces complications le sont également à condition qu’il ne s’y ajoute pas de réaction croisée avec un antigène du patient. Cela reste cependant théorique. Ce risque d’exacerbation est à évaluer en fonction de la pathologie préexistante et du vaccin (antigène, adjuvant, etc.), en s’aidant de données publiées dans la littérature (mais celles-ci n’existent pas toujours) de façon à déterminer un rapport bénéfices/risques individuel.

Ces principes étant énoncés, nous aborderons quelques situations susceptibles d’être rencontrées en pratique.

Vaccination des sujets recevant une corticothérapie
Ni la dose, ni la durée d’une corticothérapie susceptible de déclencher une immunodépression chez un enfant par ailleurs en bonne santé ne sont connues avec précision. En dépit de ces incertitudes, l’attitude suivante peut être proposée chez les enfants traités par corticoïde des pour une maladie non immunodéficiente.

Cas ne nécessitant pas de modifications du calendrier vaccinal

Peuvent être vaccinés normalement les patients recevant :

  • une corticothérapie locale quel que soit le type (inhalation, infiltration, crème ou pommade, collyre).
  • une opothérapie substitutive.
  • une dose de 2 mg/kg/j de prednisone (ou ses équivalents), ou de 20 mg/j ou moins pour un poids inférieur à 10 kg.

Cas nécessitant des modifications du calendrier vaccinal

Pour des doses supérieures, l’attitude dépend de la durée du traitement :
– si elle est inférieure à 14 jours, les patients peuvent être vaccinés dès l’arrêt de la corticothérapie. Certains auteurs préfèrent se donner au moins 15 jours d’arrêt chaque fois que possible;
– Au-delà, il faut différer d’au moins un mois (3 mois pour certains) après arrêt du traitement l’administration des vaccins à virus vivants.

Vaccination des asthmatiques et des allergiques

Les asthmatiques
Il faut veiller à respecter le plus possible le calendrier vaccinal. Les sujets atteints d’asthme sévère doivent d’être vaccinés contre la grippe. Concernant les sujets asthmatiques traités par cure courte de corticoïdes (5 jours à la dose de 2 mg/kg, maximum 40 mg/j), une étude récente comportant 109 enfants vaccinés contre la grippe ne montre, comparativement à un groupe d’asthmatiques témoin, ni exacerbation ni altération de la réponse anticorps;

Les atopiques
Aucune étude n’a jamais mis en évidence de corrélation entre l’exacerbation d’une maladie atopique et la vaccination, mais des accidents immuno-allergiques plus ou moins graves sont susceptibles d’apparaître chez un petit nombre d’enfants allergiques.

Diabète
Il est absolument nécessaire que les diabétiques soient normalement vaccinés. Le vaccin antigrippal est recommandé au moins chez l’adulte.

Néphropathies
Le calendrier doit, là encore, être respecté dans la mesure du possible. La règle est de ne pas vacciner en poussée. Lorsque les enfants sont sous corticothérapie, les règles énoncées au paragraphe spécifique s’appliquent. Les syndromes néphrotiques purs et primitifs justifient par ailleurs une vaccination antigrippale et devraient pouvoir bénéficier du vaccin antipneumococcique conjugué.

Mucoviscidose
Le calendrier vaccinal doit être respecté (il comprend la vaccination contre l’hépatite B). Le vaccin antigrippal est conseillé chaque année.

En cas d’hépatopathie, le vaccin antihépatite A semble justifié. Un vaccin anti-VRS sous-unitaire s’est montré intéressant dans un essai préliminaire. De nombreux vaccins antipyocyaniques ont été tentés, jusqu’ici sans succès, d’autres essais sont en cours.

Convulsions, épilepsies, encéphalopathies

Le problème, dans ces situations, est avant tout celui de la vaccination anticoquelucheuse. Contre-indications du vaccin « anticoquelucheux »

Ce sont les suivantes :

  • les encéphalopathies évolutives, qu’elles soient convulsivantes ou non : maladies dégénératives du système nerveux, maladies de surcharge comportant une atteinte cérébrale, épilepsie non stabilisée, etc.
  • la survenue, dans les 48 heures suivant une vaccination antérieure contenant la composante anticoquelucheuse d’une fièvre supérieure ou égale à 40 °C, d’une convulsion, fébrile ou non, d’un syndrome du cri persistant (plus de 3 heures), d’un syndrome hypotonie-hyporéactivité.
  • l’existence de réactions d’hypersensibilité immédiate consécutives à une injection précédente : urticaire généralisée œdème de Quicke, choc anaphylactique.
  • l’hypersensibilité à l’un des composants du vaccin.

Cas des convulsions sans encéphalopathie

Une histoire personnelle ou familiale de convulsion sans encéphalopathie n’est pas une contre-indication à la vaccination antirougeuse ou antico-quelucheuse. Aucun des 291 enfants ayant une histoire personnelle ou familiale de convulsion n’a eu d’effets secondaires sévères après vaccination par un vaccinantioquelucheux à germes entiers, que celui-ci ait été administré seul ou en combinaison avec les vaccins antidiphtérique et antitétanique.

Les convulsions hyperpyrétiques ne sont pas une contre-indication au vaccin anticoquelucheux sauf quand elles surviennent dans les 48 à 72 heures d’une vaccination anticoquelucheuse. Les convulsions non fébriles, non liées à une injection vaccinale antérieure, doivent faire l’objet d’un avis spécialisé. Quand il existe, dans ce contexte, un retard du développement ou un doute sur une éventuelle encéphalopathie évolutive, mieux vaut s’abstenir et reposer le problème au cours de la 2e année en tenant compte de l’évolution

Drépanocytose, asplénie, splénoctomie

Ces enfants sont à haut risque d’infection à bactérie encapsulée. Ils doivent absolument être vaccinés contre Haemophilus b par un vaccin coniugué. Ils devront être également immunisés par un des vaccins antipneumococciques conjugués dès leur apparition sur le marché : ces vaccins sont immunogènes dès l’âge de 2 mois. Ils induisent une mémoire immunitaire et sont efficaces sur le portage pharyngé. Les rappels pourront probablement être réalisés par un vaccin polysaccharidique classique. Jusqu’ici, on s’est contenté du Pneumo 23~, vaccin polysaccharidique pouvant être effectué à partir de l’âge de 2 ans avec un rappel tous les ans. Par ailleurs, cela n’empêche pas la prophylaxie quotidienne par l’Oracilline~.

Ces enfants devraient par ailleurs bénéficier des vaccins antiméningococciques conjugués. Ils doivent être vaccinés contre la grippe.

Purpura thrombapénique idiopathique (PTI)

Les enfants ayant une histoire de PTI sont plus à risque de thrombopénie après vaccination contre la rougeole, les oreillons, la rubéole. Bien que le risque de faire une thrombopénie durant la rougeole ou la rubéole chez ces sujets soit important (estimé à 1 cas sur 3 000), cette vaccination n’est en règle pas recommandée sur ce terrain.

Une seconde dose n’est pas non plus recommandée chez un enfant qui a fait une thrombopénie dans les 2 mois qui ont suivi un premier ROR.

Vaccination des immuno déprimés

Les déficits immunitaires congénitaux
Ils sont affaire de spécialistes et le programme vaccinal ne peut être défini qu’avec l’équipe qui a en charge cet enfant. Dans les déficits T et les déficits combinés sévères, tous les vaccins vivants sont contre-indiqués (virus vivants, BCG). Si les autres vaccinations peuvent, en théorie, être pratiquées, elles sont sans efficacité. Au décours d’une transplantation médullaire, quand elle est possible, une fois affirmée la prise de greffe de moelle, le calendrier vaccinal sera discuté.

Les déficits isolés des lymphocytes B nécessitent des injections régulières d’immunoglobulines, ce qui peut entraver l’efficacité des vaccins vivants atténués. D’une façon générale, il est nécessaire d’attendre 3 mois après utilisation des gammaglobulines pour pratiquer une vaccination, sauf chez les enfants nécessitant des gammaglo bulines de façon mensuelle (agammaglobulinémie) .

S’il est possible d’utiliser des vaccins très immunogènes tels que diphtérie et tétanos, il est formellement contre-indiqué d’utiliser des vaccins vivants, en particulier le vaccin antipoliomyélitique buccal et le vaccin anti-amarile.

Les vaccins rougeole et varicelle sont à considérer étant donné le rôle évident des cellules T dans la protection contre les formes sévères de la maladie. Dans la mesure où les anticorps maternels n’inhibent pas les réponses T, il est probable que le traitement substitutif par immunoglobulines ne les inhibe pas non plus.

Déficits immunitaires secondaires aux thérapeutiques immunosuppressives

Une vaccination de rappel, faite alors que la primovaccination a été réalisée avant l’état d’immunosuppression, est généralement efficace, et il n’est pas forcément nécessaire de repratiquer l’ensemble des vaccinations. En fait, la vaccination et en particulier le nombre de doses nécessaires devrait être monitorée par le taux des anticorps. IL est habituel d’attendre un délai de 3 mois après l’arrêt de toute chimiothérapie avant de pratiquer un rappel. En l’absence de varicelle antérieure, ces enfants doivent être vaccinés.

Enfants infectés par le VIH (SIDA)

Le vaccin est-il susceptible d’induire une infection vaccinale, le vaccin est-il efficace, le vaccin peut-il avoir des conséquences sur la réplication VIH ? La vaccination des enfants infectés par le VIH pose trois problèmes :

  1. Le risque d’infection vaccinale n’existe que pour les micro-organismes vivants et ne concerne pratiquement que le BCG. Quelques cas de BCGites diffuses ont été rapportés qui font contre-indiquer ce vaccin dans les pays industrialisés. Les enfants nés de mère séropositive mais non infectés sont vaccinés dès le diagnostic de  » non-infection « , désormais possible dans les premiers mois de vie. Le risque d’infection par d’autres micro-organismes vaccinaux n’est que marginal. Ce risque est directement lié au degré de déficit immunitaire au moment de la vaccination. On peut donc vacciner contre la rougeole, les oreillons, la rubéole, sauf en cas de déficit immunitaire sévère.
  2. L’efficacité de la vaccination, appréciée par l’immunogénicité, est dépendante du taux de CD4. On a peu de données sur le devenir de cette réponse immunitaire parallèlement à la décroissance du taux de CD4.
  3. L’effet sur la réplication virale VIH varie d’une étude à l’autre. Lorsqu’il existe une augmentation, elle est transitoire. La signification et l’impact de cette augmentation ne sont pas connus. Finalement, par rapport à notre calendrier vaccinal, seul le BCG est contre-indiqué. Les vaccins antipneumococciques conjugués devraient être intéressants sur ce terrain.

Entourage des immunodéprimés

L’entourage des immunodéprimés est une source potentielle de contamination, et doit être lui-même correctement vacciné. On peut rappeler la contre-indication du vaccin polio oral dans cette population, source de diffusion du virus, et la nécessité du vaccin polio injectable.

Ainsi, l’entourage doit-il être correctement vacciné contre la coqueluche (nécessité d’un rappel à 11-13 ans), la rougeole, les oreillons, la rubéole (vérifier que la fratrie a bien eu une seconde injection), la grippe, et la varicelle quand on ne retrouve pas d’antécédent de varicelle à l’interrogatoire.