Les allergies alimentaires : que faire pour les prévenir et les diminuer?

Qu’est-ce qu’une allergie alimentaire?

L’allergie alimentaire est une réaction du système immunitaire à l’ingestion d’un aliment particulier. Chez les enfants, les trois quarts des allergies sont dus à 6 familles d’aliments : l’œuf, les arachides ou cacahuètes, le lait de vache, la moutarde, les fruits à coque et le poisson. En France, le nombre de cas d’allergiechez les enfants a doublé ces cinq dernières années, atteignant désormais 6 à 8 % des enfants de moins de 12 ans. Parmi ces allergies, un nombre croissant est provoqué par des aliments

Ces allergies alimentaires ne doivent pas être confondues avec les intolérances alimentaires, plus répandues mais moins spectaculaires.

Les allergies alimentaires (AA), avec la dermatite atopique (DA), sont les premières manifestations de la marche allergique, précédant l’apparition des allergies respiratoires avec l’asthme et la rhinite.

Réactions immunologiques

L’allergie alimentaire correspond à l’ensemble des symptômes reproductibles liés à des réactions immunologiques de type immédiat, semi-retardé ou retardé, survenant après l’ingestion d’un aliment spécifique et/ou d’un additif, par exemple les sulfates comme conservateurs.

Plusieurs facteurs concourent à l’augmentation de la fréquence des allergies alimentaires qui, aujourd’hui, deviennent un réel problème de santé publique :

  • les modifications des habitudes alimentaires
  • consommation accrue et répétitive d’aliments allergisants (lait, yaourts et aliments lactés par les enfants),
  • internationalisation des menus
  • les modifications des techniques dans les industries agroalimentaires…

.

C’est quoi les symptômes possibles d’une allergie alimentaire?

Les allergies alimentaires entraînent généralement une réaction immédiate (plus rarement 24 à 48 heures plus tard), parfois très intense :

  • un reflux gastro-œsophagien et des régurgitations anormalement fréquentes chez le nourrisson ;
  • des rougeurs et des démangeaisons au niveau de la bouche ;
  • des nausées ou des vomissements ;
  • des troubles digestifs peu spécifiques : coliques, diarrhées ou constipation ;
  • des manifestations de la peau : démangeaisons, éruptions cutanées, eczéma (chez 80 % des nourrissons atteint d’allergie alimentaire), urticaire ;
  • des maux de tête ;
  • des symptômes ressemblant à l’asthme ou à une rhinite allergique (rhume des foins) ;
  • un gonflement (œdème) des paupières, des mains, des pieds, voire du visage et de la gorge.

Dans les formes les plus sévères (œdème de Quincke), l’œdème de la gorge peut bloquer la respiration et mettre la vie en danger. On observe parfois une perte de conscience et un coma(choc anaphylactique). Généralement, les allergies alimentaires vont en s’aggravant : la réaction du système immunitaire est de plus en plus intense lors de chaque exposition à l’aliment responsable. C’est moins le cas de l’allergie aux protéines de lait de vache (qui disparaît spontanément chez environ 80 % des enfants passé l’âge de 2 ans) et de celle à l’œuf (qui disparaît spontanément chez 60 % des enfants après l’âge de 3 ans).

Lorsqu’un enfant présente un terrain allergique (rhume des foins, asthme, eczéma, etc.), il est essentiel de consulter un médecin dès les premiers signes de réaction inhabituelle suite à l’ingestion d’un aliment. Cette mesure de précaution peut prévenir le risque de complications graves.

.

Antécédents familiaux= risque plus élevé

Cette évolution s’inscrivant dans le cadre d’un accroissement de fréquence des différentes formes d’atopie (asthme, rhinite allergique, eczéma…). Le risque d’allergie alimentaire est plus élevé chez un sujet qui a des antécédents familiaux et/ou personnels d’atopie, mais d’autres facteurs entrent également en jeu (une diminution des défenses immunitaires au niveau intestinal, des diarrhées infectieuses fréquentes chez un nourrisson, une amibiase intestinale chez l’adulte, un alcoolisme…) par des mécanismes qui interviennent sur les lymphocytes T suppresseurs.

L’allergie alimentaire se manifeste soit sous forme aiguë de type choc anaphylactique, parfois suraigu et donc mortel en l’absence de traitement immédiat, soit sous forme chronique, par des signes digestifs (nausées, vomissements, diarrhées) et extra-digestifs.

Le risque de développer une atopie est de 10 à 15 % chez les enfants sans antécédents atopiques, 30 % si un membre de la famille au premier degré présente des manifestations atopiques et autour de 60 % en cas de double atopie parentale. Il est donc facile de constater que si on ne propose la prévention qu’aux enfants à risque atopique déterminé par les antécédents familiaux (10 à 12 % des nouveau-nés), on ne protégera pas les 10 à 12 % de nouveau-nés sans atopie familiale qui développeront une atopie et on ignorera donc 50 % des enfants qui vont développer une maladie atopique.

.

Peut-on prévenir en amont les allergies alimentaires?

De la conception à la naissance

On peut essayer d’influencer l’expression du risque génétique (épigénétique) en agissant sur l’environnement, l’exposition aux allergènes, la nutrition, l’exposition aux infections, facteurs qui régulent l’expression des gènes via une méthylation ou une acétylation des histones.
L’exposition maternelle aux allergènes alimentaires et respiratoires peut entraîner leur passage transplacentaire. Des IgE spécifiques sont produites dès la 20e semaine par l’embryon et sont retrouvées dans le sang du cordon. Parallèlement, il existe des IgG maternelles qui passent la barrière placentaire dans le 3e trimestre de grossesse. Ainsi, des pistes de prévention ont été envisagées chez la future mère : administration d’IgG spécifiques (immunothérapie passive), immunothérapie spécifique d’allergènes (immunothérapie active), administration de biothérapies anti-IgE (un registre de femmes enceintes traitées par omalizumab pour asthme sévère est ouvert).

Exposition aux agents microbiens
L’étude Pasture a montré que les enfants nés et vivant à la ferme au contact des agents microbiens d’origine animale développaient moins d’allergies. C’est l’hypothèse hygiéniste qui est confortée par des modifications épigénétiques du sang du cordon de nouveau-nés de mères vivant à la ferme en environnement rural traditionnel.

Tabagisme
Des liens sont montrés entre tabagisme maternel, asthme et allergies de l’enfant. Dans le sang du cordon, on note un déséquilibre de la balance Th1/Th2 du nouveau-né avec réponse aux allergènes de type Th2 et une diminution des populations Tregs. Le tabagisme est également lié à une augmentation du risque de dermatite atopique et des sensibilisations respiratoires et alimentaires de l’enfant (étude MAS).

Pollution atmosphérique
Il existe une relation positive avec le risque d’asthme et d’allergies chez le nouveau-né. La pollution intérieure et extérieure entraîne des modifications de l’IL-4, de l’IL-5 et des Tregs dans le sang du cordon avec augmentation des sensibilisations alimentaires à l’âge de 1 an lors d’exposition aux COV.

Médicaments
On discute le rôle des folates et du paracétamol sur le risque allergique et d’asthme de l’enfant.

Nutrition maternelle
De nombreuses pistes prometteuses existent, mais sans aucune certitude :
– rôle protecteur de la consommation de lait et de beurre fermiers ;
– supplémentation en acides gras polyinsaturés oméga-3 (huiles de poisson) ;
– supplémentation en vitamine D ;
– régimes riches en fruits et légumes, riches en prébiotiques (régimes méditerranéens) ;
– la supplémentation en probiotiques a fait l’objet d’une étude Cochrane portant sur 29 études randomisées. Les résultats sont négatifs avec absence de modification immunitaire du sang du cordon, une légère diminution de l’incidence de la dermatite atopique, une absence de modification des sensibilisations, pas d’effet préventif sur l’asthme et les allergies. Les résultats sont identiques pour la supplémentation chez la mère allaitante.
Par ailleurs, aucun régime restrictif n’a prouvé son efficacité (recommandation de l’European Academy of Allergy and Clinical Immunology 2021).

Lire la suite sur https://www.pediatrie-pratique.com/journal/article/0014200-prevention-lallergie-alimentaire-qui-pourquoi-recommandations-actuelles

Quels aliments?

Les aliments en cause sont très nombreux, ils varient selon les pays et à l’intérieur du même pays selon les habitudes régionales et les origines ethniques.

Les allergènes les plus souvent responsables d’anaphylaxie alimentaire chez l’enfant de moins de 16 ans sont l’arachide (24 % des déclarations), suivie de la noix de cajou (13,7 %), des laits de mammifères (lait de vache et lait de chèvre/brebis 8,9 %), de la noisette (4,3 %) puis de l’œuf (4,1 %).

Aux Etats-Unis, l’arachide est l’aliment le plus fréquemment en cause; au Japon c’est le riz; en Italie le blé; en France, le lait, les Boeufs et le blé sont globalement les aliments le plus souvent responsables d’allergies alimentaires, mais, bien entendu, il existe des allergies alimentaires provoquées par la consommation de viande de porc, de poissons, de crustacés, de gibier, le kiwi…

Le cas de l’allergie à l’oeuf

Les enfants allergiques à l’œuf cru, mais qui tolèrent l’œuf cuit ont un meilleur pronostic, surtout s’ils poursuivent la consommation régulière d’œuf au degré de cuisson toléré. Si l’allergie persiste, les protocoles d’immunothérapie orale (ITO) permettent souvent d’augmenter la dose réactogène, mettant à l’abri des risques d’une ingestion accidentelle.

Avec les AA au lait de vache et à l’arachide, l’AA à l’œuf de poule est l’une des plus fréquentes AA de l’enfant. Dans la population générale, sa prévalence se situe entre 1 % et 2,6 %. Chez les enfants d’âge scolaire, l’AA à l’œuf de poule correspond à 9,4 % des AA.

L’œuf de poule est constitué de trois éléments : une coquille non allergisante, le blanc d’œuf très allergisant (56-61 %), et le jaune d’œuf moins allergisant (27- 32 %). Il existe 23 protéines dans le blanc. Ces allergènes sont thermosensibles sauf l’ovomucoïde (Gal d 1). L’allergénicité diminue de plus de 75 % après que l’œuf a été bouilli pendant au moins 10 minutes. Il existe donc des patients allergiques à l’œuf cru, mais qui tolèrent parfaitement l’œuf bien cuit.

Les signes de l’allergie immédiate IgE-dépendante sont habituels : poussée de dermatite atopique, vomissements, rhinite, urticaire, angio-œdème, asthme, anaphylaxie.

Des habitudes à préciser

Le diagnostic repose sur la clinique : l’interrogatoire permet de découvrir un terrain atopique et, en cas de pollinose, d’évoquer une éventuelle allergie croisée (pollen de bouleau et pomme, pollen d’armoise et céleri, pollen de graminées et farine de blé…), de faire préciser les habitudes alimentaires, de rechercher : les aliments très fréquemment consommés.

Les données recueillies orientent le bilan allergologique, c’est-à-dire les tests cutanés réalisés selon la méthode du pricktest en utilisant le plus souvent des allergènes natifs et le dosage d’IgE spécifiques, dont le taux est corrélé aux tests cutanés, mais également à l’extension des lésions.

Tests à entreprendre par le médecin

Au terme de cette première étape, si le diagnostic n’est pas confirmé, deux types d’épreuves doivent être mises en oeuvre :

  • l’épreuve d’éviction et de réintroduction très progressive de l’aliment ou des aliments suspectés;
  • le test de provocation, ou test réaliste, couplé au dosage séquentiel des médiateurs : histamine plasmatique, tryptase, histamine urinaire.

En pratique, l’éviction alimentaire est la seule mesure efficace chaque fois que l’aliment n’est pas nécessaire à la nutrition.

Prévenir l’allergie : diversification alimentaire dès 4 à 6 mois

Plusieurs études de cohortes montrent que l’introduction retardée des différents aliments n’a aucun effet préventif sur l’AA et pourrait au contraire être responsable d’eczéma, d’asthme, de rhinite allergique, de sensibilisation et même d’AA (œuf).

La recommandation est de ne pas retarder l’introduction des aliments allergisants et de les introduire dès l’âge de 4 à 6 mois.

En effet, une étude a démontré que l’introduction précoce de l’œuf et de l’arachide dès l’âge de 3 mois chez les nourrissons allaités protégeait significativement de l’AA, par rapport au groupe placebo avec introduction retardée à partir de 6 mois.

Pour l’arachide, aucun des nourrissons avec introduction dès 3 mois ne présentait d’allergie à 3 ans (0 contre 2,5 % ; p = 0,003) et, pour l’œuf, la différence était également significative dans les 2 groupes (1,4 contre 5,5 % ; p = 0,009).

Cet effet n’était retrouvé qu’en per-protocole pour l’arachide et l’œuf mais pas pour les autres aliments introduits (lait, poisson, blé, sésame).

À noter que le schéma de l’étude était compliqué et n’a été suivi que par 36 % des patients du groupe diversification dès 3 mois. Les auteurs montrent aussi qu’une consommation d’au minimum 2 g de protéines d’arachide ou de blanc d’œuf par semaine est nécessaire pour prévenir l’allergie.

La méta-analyse de Ierodiakonou, totalisant 1 915 patients sur 5 études retenues, conclut à l’efficacité moyenne à élevée de l’introduction précoce de l’œuf entre 4 et 6 mois pour réduire l’allergie à l’œuf. L’œuf cuit à petites doses croissantes, nature ou donné en biscuit, semble la forme de choix pour l’introduction précoce . Cette méta-analyse a également validé, à partir des études LEAP (Learning Early about Peanut Allergy) et EAT totalisant 1 550 patients, l’efficacité moyenne à élevée de l’introduction précoce de l’arachide entre 4 et 11 mois pour prévenir l’AA à l’arachide. Les résultats de l’étude LEAP sont à l’origine des recommandations internationales pour l’introduction précoce de l’arachide.

Il n’y a pas de recommandations à l’heure actuelle pour l’introduction précoce des FAC (fruits à coque) mais, en raison de l’augmentation préoccupante de ces allergies chez le jeune enfant en France et au vu des résultats de l’étude LEAP, il nous semble logique et même indispensable de les introduire précocément (dès 5 mois)dans le régime alimentaire de l’enfant à une dose comparable à celle utilisée dans les études LEAP et EAT pour l’arachide et l’œuf, soit 2 g de protéines par semaine par allergène chez les familles en consommant régulièrement.

Prise en charge des AA de l’enfant

Pour l’enfant allergique à l’arachide, aux FAC (noix de cajou, noisette, pistache, noix…) mais aussi au sésame ou au lait de vache de manière persistante, etc., le risque anaphylactique en cas d’ingestion accidentelle est notable, d’où un impact très négatif sur la qualité de vie, entravant la vie sociale dès la petite enfance. Le régime d’éviction ne peut admettre d’erreur.

L’enfant doit toujours avoir à disposition une trousse d’urgence (TU) contenant de l’adrénaline auto­injectable et accompagnée d’un plan d’action. Les familles doivent apprendre à gérer au quotidien l’AA de leur enfant, non seulement l’utilisation de la TU mais aussi le régime d’éviction (lecture des étiquettes alimentaires, etc.), d’où l’importance d’une éducation thérapeutique.

Lire la suite ICI