Vaccin HPV contre le cancer du col de l’utérus (gardasil, cervarix): faire? pas faire?

LES POINTS FORTS

  • 70% des femmes sexuellement actives vont rencontrer le HPV et de plus, tôt après le début de leur vie sexuelle.
  • L’efficacité du vaccin est de 100% dans la prévention des lésions de bas grade induites par les HPV 6, 11, 16, et 18.

Vaccin HPV

La mise au point rapide d’un vaccin contre les principaux papillomavirus oncogènes responsables de la majorité des cancers du col chez la femme, qui constitue la plus belle avancée en vaccinologie, pourrait à première vue ne pas concerner les pédiatres : en fait, il est maintenant certain que ce vaccin, qu’il faut faire accepter par les familles, doit être administré vers 11 ans pour avoir le maximum d’efficacité.

Les infections à papillomavirus humains (HPV) sont les plus fréquentes des infections sexuellement transmissibles. Si elles sont dans la majorité des cas inapparentes et transitoires, elles deviennent chroniques dans 10 à 20 % des cas. Elles peuvent induire alors des condylomes et/ou provoquer des lésions malpighiennes et glandulaires intraépithéllales pouvant conduire à un cancer du col de l’utérus.

Le cancer du col de l’utérus est le second cancer de la femme, après le cancer du sein. LOM5 évalue l’incidence mondiale à 500 000 nouveaux cas par an et il est responsable de 270 000 morts par an dans le monde. En France, près de 3 500 nouveaux cas sont dépistés chaque année et la mortalité est de 1000 cas par an.

Les HPV sont groupés en deux catégories en fonction du risque oncogène qu’ils présentent.
Les HPV de bas risque (LI) : ce sont les génotypes 6, 11, 42, 43, 44. ils ne provoquent que des condylomes bénins.
Les HPV de haut risque (HR) : les génotypes 16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 68, 73, et 82 sont associés un risque de développer des lésions précancéreuses en cancéreuses. Les sérotypes 16 et 18 sont, de loin, les deux principaux responsables de lésions cancéreuses.

Association entre HPV et cancer

L’association causale entre virus et cancer a nécessité de nombreux travaux. Actuellement, on estime que 20 % des cancers sont viro-induits: c’est le cas de l’hépatite B et du cancer du foie, de l’EBv et de certains lymphomes, de l’herpès 8 et du sarcome de Kaposi et bien sûr de l’HPv et du cancer du col.

Très peu d’associations sont aussi fortes que HPV et cancer du col: ainsi l’odd ratio entre hépatite B et cancer du foie est de 100, entre tabac et cancer du poumon de 10, alors qu’il est à plus de 500 entre HPV 16, 18 et cancer du col de l’utérus!

Histoire naturelle de l’infection à HPV

Les infections génitales à HPV sont extrêmement fréquentes: ainsi, 70 % des femmes sexuellement actives vont rencontrer le HPv et, de plus, tôt après le début de leur vie sexuelle: 60 % d’entre elles seraient infectées pendant les cinq premières années. La réponse immunitaire est en général suffisamment efficace pour permettre l’élimination du virus dans 80 à 90 % des cas.
Ailleurs, pour une raison inconnue le virus persiste localement (comme le virus herpès) et peut alors entrainer des dysplasies intraépithéliales cervicales ou des néoplasies de bas ou haut grade selon la hauteur des anomalies histologiques de l’épithélium: CIN1, ClN2et clN3; seules CIN2 et cIN3 sont considérées comme des lésions précancéreuses.

La découverte de ces lésions impose une surveillance et des examens répétés, sachant que 5 % des stades CIN2 deviennent un cancer et 12% des ClN3.

Il faut préciser que les facteurs environnementaux jouent un rôle important dans l’évolutivité de ces lésions, en particulier, le tabagisme les contraceptifs oraux, la parité et surtout les autres MST (maladies sexuellement transmissibles).

Suivant le génotype, le risque de cancer varie considérablement: ainsi dans une étude récente française (étude EDITH) portant sur 283 cancers du col, le HPv fut retrouve dans 95,7% des cas, dans 95,3 % il s’agissait d’un HPv de haut risque dont 71,7% d’HPv 16, 17, 2% d’HPv 18 suivis par les génotypes 31 (6,1 %) 33, 45, 35 et 58 (2,2 à 3,2 %) Une co-infection par deux HPV fut retrouvée dans 17,5 % des cas, l’association 16 + 18 étant la plus fréquente (7,9 %).
Pour ce qui est du risque de lésions anorogéniques externes (condylomes), il varie en fonction des pratiques sexuelles: son incidence en France est mal connue: elle serait de 100 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants, touchant donc 3 à 6 % de la population: HPV 6 et HPV 16 en sont les deux principaux responsables.

Genèse d’une prévention vaccinale

Le concept d’une vaccination contre le papillomavirus est né de deux constats:
– le cancer du col utérin ne peut survenir qu’après une infection à HPV chronique ayant provoqué une dysplasie CIN2 et CIN3;
– la culture de virus HPV sur cellules eucaryotes donne naissance spontanément à des pseudoparticules virales contenant la protéine structurale Li (phénomène d’autoassemblage) qui hautement antigénique induit chez l’animal des anticorps protecteurs vis-à-vis d’une infection expérimentale par le HPV. Cette pseudoparticule virale VLPLI ne contient pas d’acide nucléique et n’a aucun effet oncogène. Elle est spécifique d’un génotype donné, mais au fur LA PRATIQUE et à mesure de nos connaissances, des mécanismes de protection croisée sont mis en évidence.

Chez la femme, l’injection de VLP I provenant de cultures de papillomavirus de génotype 16 et 18 a induit la synthèse d’anticorps antiVLP à des taux sériques élevés, très supérieurs aux taux observés après un infection naturelle; de plus ces anticorps neutralisants furent retrouvés au niveau du mucus cervical.
Devant ces résultats remarquables, des essais à grande échelle furent entrepris chez les jeunes femmes et les adolescentes, l’objectif étant d’évaluer l’apparition de lésions dysplasiques CIN2/3 et Cl après vaccination, les dysplasies CIN2/3 précédant l’apparition du cancer.

Les essais cliniques réalisés chez l’homme ont montré une bonne tolérance et deux approches vaccinales ont été choisies : l’une fondée uniquement sur la prévention du cancer du col à l’aide d’un vaccin bivalent VLPI (Cervarix) contenant les deux génotypes les plus fréquemment impliqués dans le cancer du col (type 16 et 18) et l’autre permettant de protéger à la fois contre les condylomes et contre le cancer du col avec un vaccin quadrivalent VLPLI contenant les génotypes 6, 11, 16 et 18 (Gardasil).

Actuellement, avec douze ans de recul, leur efficacité est proche de 90 % en termes de protection contre l’infection et de 100 % contre l’apparition des lésions dysplasiques.

Concernant le vaccin quadrivalent qui vient d’être mis sur le marché en France, l’efficacité, évaluée sur 30.000 femmes, a été aussi de 100 % dans la prévention des lésions de bas grade induites par les HPV 6, 11, 16, et 18. De plus, une immunité croisée semble exister avec les génotypes 31 et 45 qui sont responsables de 8 à 9 % de l’ensemble des cancers du col.
Le schéma de primovaccination comprend trois doses administrées à 0,2 et 6 mois.
Le vaccin bivalent contient en plus un adjuvant (aluminium + MPL) entraînant une réponse anticorps plus élevée et plus prolongée pendant au moins 48 mois pour les génotypes 16 et 18, ce qui aboutit à une protection de 100 % vis-à-vis de CIN2 et 3. II semble aussi une immunité croisée pour les sérotypes 45 et 31.

Si tous ces résultats sont prometteurs, de nombreuses incertitudes demeurent :

  • L’âge de la vaccination d’abord : plusieurs arguments poussent à vacciner vers 11/13 ans, car l’immunogénicité du vaccin est maximale à cet âge et qu’il paraît logique d’immuniser avant les premières infections à HPV. Toutefois, l’existence d’une séropositivité antérieure pour le HPV ne modifie ni l’immunogénicité ni l’efficacité clinique du vaccin. Reste à savoir quelle sera l’acceptabilité des parents pour un vaccin dont les effets seront appréciables 20 à 40 ans plus tard!
  • La durée de protection du vaccin est une autre inconnue: un rappel sera-t-il nécessaire, nous ne disposons pour l’instant d’un recul de quinze ans.
  • Conséquence de cette incertitude: la nécessité de continuer le dépistage: depuis 1995, 1’ANDEM recommande que le frottis cervicoutérin soit réalisé à partir de 25 ans (et jusqu’à 65 ans) tous les trois ans, après deux frottis normaux réalisés à un an d’intervalle. En réalité seulement 60% des femmes de 20 à 49 ans et 48 % après 50 ans appliquent ces recommandations. Il serait de plus dangereux que les femmes vaccinées abandonnent toute surveillance.
  • Faudra-t-il vacciner les hommes? Ils sont certainement les contaminateurs et les infections à HPV pour eux aussi ne sont pas anodines: Aux ÉtatsUnis, on estime que le HPV est responsable de 10000 cancers génitaux et ORL, 500.000 condylomes chez l’homme, et 3300 papifiomatoses des voies aériennes chez l’enfant. Des études pharmacoéconomiques sont en cours pour évaluer l’intérêt d’une vaccination généralisée.
  • Vers un vaccin thérapeutique? Un candidat vaccin constitué de fragments de la protéine oncogène E7 de l’HPV 16 couplé à une protéine bactérienne de Bordetella pertussis, administré à des souris porteuses de tumeur a provoqué une régression complète de la tumeur dans 100 % des cas; un résultat identique a été retrouvé avec un vaccin E7 de l’HPV 18. Les essais sont en cours chez la femme.

Pour conclure, rappelons que 75 % des cancers du col surviennent dans les pays en voie de développement ou les dépistages systématiques sont l’exception: souhaitons que le prix du vaccin diminue rapidement dans les années à venir!

Il est désormais remboursé par la Sécurité Sociale dès l’âge de 11 ans, plus facile à faire. Plus facile aussi de convaincre les parents à cet âge, la sexualité est encore loin, ce qui ne manquait pas de les inquiéter quand le vaccin était proposé jusqu’en 2014 à l’âge de 13 ans (« mais ma fille ne couche pas encore, ça va l’encourager », entendit-on).

Il faut vacciner, je vous rappelle que les vaccins représentent actuellement la meilleure prévention contre ces maladies graves, parfois incurables, effets secondaires inclus.

Pour en savoir davantage sur le cancer du col de l’utérus, cliquez ICI